Dijon / Juin 2014

6e Congrès européen
du Toucher-massage®

"Et si nous parlions d'amour ?"

Présentation

En 2014, le thème s’est voulu audacieux, puisqu’il a été choisi d’y parler d’Amour. Le toucher et l’amour dans le cadre des soins : une première en France ! Nous sommes fiers d’être à l’initiative de journées dont la thématique se veut innovante, voire provocante, délibérément en dehors des sentiers battus.

Aujourd’hui encore, il est nécessaire de se battre pour redonner sa place à la main, à l’humain, il est donc de la même façon nécessaire d’oser aborder ce qui nourrit, ce qui construit la relation soignant-soigné. Peut-on soigner sans toucher, peut-on toucher sans aimer, peut-on soigner sans aimer et de quel amour parle-t-on ?
Philosophes, médecin, psychologues, prêtre, soignants et même un clown se sont succédés pour accompagner notre réflexion, pour nous aider à mieux identifier ce qui se vit derrière cette drôle d’ambition de vouloir être en lien, de vouloir faire du bien.

Deux journées riches en informations, fortes en émotions, un trait d’union entre la réflexion et la pratique, la parole est donnée de la même façon à d’éminents spécialistes comme aux gens de terrain, aux professionnels du soin, qui par leur vécu, leur expérience, nous invitent à partager les nombreuses mises en application et les bénéfices de cette pratique.

Conférences

Questions d’amour

Par Eric Fiat (Philosophe. Auteur. Maître de conférences en philosophie, Université Paris Est, Marne-la-Vallée)

Si l’amour dans le soin peut être évoqué avec beaucoup de pudeur, il est temps de considérer qu’il ne peut toutefois rester un sujet tabou.

Il est devenu rare aujourd’hui qu’on fonde le soin sur l’amour : le respect de la dignité d’autrui semble avoir supplanté l’amour du prochain, comme la solidarité a remplacé la charité et la référence à l’humanité la référence à Dieu. Mais la célèbre formule de Paracelse, « Toute médecine est amour », est-elle pour autant caduque ? Tel n’est pas mon sentiment. Mais l’amour a des formes : diverses, multiples, usant d’incarnations qui, parfois, le rendent méconnaissable.

Et les pratiques soignantes, elles aussi, sont multiples, impossibles à réduire à un schéma stéréotypé où l’amour aurait sa place assignée par un protocole. Car de même que le prisme réfracte la lumière qui le traverse et la décompose en une multitude de nuances, de même le soin des malades révèle les harmoniques de l’amour qui l’inspire. En particulier en fin de vie, où les relations interpersonnelles se concentrent et s’épurent, pour atteindre une intensité qui fait surgir les questions essentielles. D’où vient cet amour ? Quelle est sa génèse, quelles sont ses manifestations ? A quelles traditions philosophiques ou bien théologiques se réfère-t-il ? La psychanalyse peut-elle nous donner une interprétation supplémentaire ? Comment les soignants vivent-ils cet amour ? Je vais ici tenter d’apporter des réponses, totalement subjectives et non forcément consensuelles. Il s’agit d’ouvrir un débat qui a vocation d’être poursuivi au sein des équipes. Si l’amour dans le soin peut être évoqué avec beaucoup de pudeur, il est temps de considérer qu’il ne peut toutefois rester un sujet tabou. Il faut donc oser poser ici quelques « questions d’amour ».

Il convient donc de supporter l’idée de parler d’amour dans les soins que nous prodiguons à autrui. Supporter, dans le sens d’être capable de porter mais aussi dans le sens d’encourager et de promouvoir le fait que le soin lui-même soit fondé simplement sur une forme d’Amour. Alors, quand je m’approche d’autrui, que je le touche et que je le masse, je dois envisager les conséquences de ce toucher pour que l’amour dont est constitué mon intention soit reçu par le patient comme un bien en soi. Il nous appartient peut-être alors de nous réconcilier avec cette grâce qui permet à l’autre de nous reconnaître comme une bonne personne, un bon soignant.

Quelle place accordons-nous à l’amour dans le soin ?

Par Christophe Pacific (Docteur en philosophie. Auteur. Cadre supérieur de santé, Albi)

Peut-on vivre sans musique, sans amour, sans éthique ? Oui, mais moins bien !

Un soin sans amour aurait-il du sens ? Serait-il encore un soin ? Nous tenterons une réponse à partir de la mythologie grecque et d’autres sources qui permettront d’éclairer cet obscur sentiment qui nous sert de fourre-tout et dans lequel nous mélangeons un peu tout et n’importe quoi.
L’occasion est belle de parler d’amour, ne nous en privons pas. Peut-on soigner sans amour ? La relation professionnelle entre le soignant et la personne soignée n’est pas exempte d’affects, mais comment se déclinent-ils précisément ? Nous avons évacué l’amour de notre discours professionnel au profit de valeurs comme le respect de la dignité. La laïcité a permis une vraie réflexion morale et philosophique moderne sur le soin mais, au même moment, elle a abandonné une dimension qui touche à la posture soignante, son esthétique, sa grâce. Comme si nous ne pouvions pas parler à la fois de respect de la dignité et d’amour. Le soin sera bien entendu le support de notre débat mais aujourd’hui, il s’agit de vous livrer, ni plus ni moins, LA recette de l’Amour : le bon, le vrai, le beau, le juste.
Nous parlerons d’amour et de ses accointances naturelles avec l’éthique. Nous parlerons aussi de son commerce avec la mort car il ne suffit pas d’aimer autrui pour répondre au besoin de soin […]. Parler d’amour en soignant parait presque subversif alors qu’il est peut-être le fondement même du soin.

Entre l’excès et le défaut, Aristote nous invite à une juste mesure et il appartient au soignant de construire cette voie du milieu à chaque rencontre. Cet amour vertueux du soignant prend corps quand nous touchons les patients et que nous nous interrogeons avec lui sur la meilleure façon de le faire. Le toucher massage invite à explorer de nouveaux territoires soignants, ceux-là mêmes où le praticien cherche à donner la juste réponse au besoin de soin et sans pour autant viser un bénéfice thérapeutique. Les frontières de ces territoires sont très nuancées et nous devons nous dépasser pour trouver cette connexion qui se situe ni dans l’excès, ni dans le défaut.
Assumer sérieusement cette part des anges comme un élément constitutif de la relation de soin relève de notre responsabilité professionnelle. L’occulter nous exposerait à notre simple humanité et aux vulnérabilités que nous lui connaissons. Prendre soin d’autrui n’est rien d’autre que ce que l’homme peut offrir de meilleur, et pour que ce « meilleur » puisse le rester il nous faut résister pour ne pas troquer notre blouse blanche contre un bleu de travail ! La formation initiale a largement ouvert ses portes aux sciences humaines et la démarche éthique se formalise, autant de chances données pour parler d’amour. Militer pour défendre la place de l’amour dans le soin est finalement une belle guerre à mener. Il en va de notre éthique soignante, que serait-elle sans amour ?

Rêve d’ange heureux

Par Paolo Doss (Clown professionnel en milieu hospitalier. Formateur. Auteur. Comédien)

Son intervention se déroule en deux temps : la première partie, avec un condensé de spectacle où le clown propose son imaginaire et son originalité, servira à savourer en direct des moments de joie et d’émotion en lien étroit avec le prendre soin par et pour le corps et l’esprit. Une invitation à oser se laisser toucher !
Dans la deuxième partie seront exposés les différents aspects de sa pratique dans l’adaptation du jeu clownesque et théâtral en milieu hospitalier et de soins. Comment arriver à la fois à toucher et à garder la bonne distance envers le patient, sa famille et le personnel soignant ? Comment, malgré l’angoisse et la maladie, au travers d’une rencontre authentique et personnalisée, permettre à l’enfant malade ou à la personne démente ou atteinte de la maladie d’Alzheimer, de retrouver un espace de liberté où il peut à nouveau rêver, dans le plaisir et le respect ?

La dimension humaine des soins

Par le Dr Luce Condamine (Pédiatre. Centre de lutte contre la douleur. Unité de médecines complémentaires. Service de Médecine Physique et Réadaptation. APHP. Auteur)

L’amour et l’accompagnement des patients, enfants et adultes. Des méthodes complémentaires et en particulier une approche « corps-esprit » (massage, Tai Chi, relaxation…) pour développer la qualité de présence et la juste distance.

Tout soin est une preuve d’amour et de confiance… mais de quel amour s’agit-il ? Et comment garder une attitude « juste » ? Ne pas être ni trop lointain, ni trop proche… Ni distant, ni envahissant… « Amour inconditionnel, sans discrimination.  » (Le Serment d’Hippocrate).

Pour respecter les patients (enfants et adultes) et leurs droits, il est  bon de garder les principes de l’éthique à l’esprit : « autonomie, bienfaisance et non malfaisance, justice ».

Pour que les soignants puissent être bientraitants, et exprimer leur générosité dans leurs soins, il faut qu’ils soient eux-mêmes « disponibles » et heureux dans leur travail.
Pour développer la qualité de présence, la clarté de l’intention, le geste juste et la juste distance, nous utilisons des méthodes complémentaires, non médicamenteuses, des approches « corps-esprit » comme le Tai Chi (art martial originaire de la Chine ancienne), la relaxation et le massage, pour le bien-être des patients (enfants, adultes, familles…), en particulier dans l’éducation thérapeutique (douleurs chroniques…), et pour le bien-être des soignants.

Le Toucher-massage® en petite enfance

Par Thierry Moreaux (Puériculteur, infirmier anesthésiste, C.H. Robert Debré, APHP)

La pratique du Toucher-massage répond au besoin d’avoir avec les enfants des outils de communication et du prendre soin basés sur une attitude naturelle et authentique. « La nature nous a doté de deux mains, c’est pour que nous puissions nous transmettre du bien-être, de la chaleur et de l’affection » (Le toucher, Tifany Field).
Pour l’enfant, le Toucher-massage est un moyen de communication qui lui permet de mieux accepter l’hospitalisation, d’avoir une autre perception de la douleur et de l’anxiété. Cette pratique l’aide également, ainsi que ses parents, sa famille, à mieux accepter la séparation, l’hospitalisation, les contraintes thérapeutiques.
L’hypnose est un moyen que j’utilise beaucoup aussi, mais qui ne convient pas à tout le monde. Il ne m’est pas possible par exemple de passer par le verbal avec certains enfants en situation de repli ou ayant des troubles de la communication. Le toucher me permet, d’une façon générale, de me sentir plus à l’aise dans ma façon d’être présent quelque soit l’enfant dont j’ai à m’occuper.
Parmi les effets bénéfiques les plus courants chez l’enfant, notons le soulagement de la douleur, la réduction des tensions musculaires générées par le stress, le lâcher-prise qui favorise une grande détente physique et psychologique.
En service pédiatrie, nous massons les tous-petits pour réguler quelques maux courants, améliorer le sommeil et favoriser le gain de poids. Après quelques années d’exercice de cette pratique, il est possible de faire le constat suivant : le massage de bébé a un impact sur sa santé et l’aide dans sa croissance et son développement
En service de maternité, je prends soin des futures mamans en menace d’accouchement prématuré, une étude sur les bénéfices est mise en place.
Des ateliers massage-bébé sont organisés pour les jeunes parents, ateliers que nous élargissons volontiers aux couples. J’apprends aux parents à se masser mutuellement dans le but de diminuer le stress, de maintenir un équilibre, une harmonie dans le couple et d’établir un lien privilégié avec leur bébé.
Personnellement, la pratique du Toucher-massage répond à un besoin de ressourcement, je me sens valorisé , « à ma place ». Cette pratique m’a aidée à prendre conscience de quelque chose d’essentiel : l’importance de l’attention à l’autre. Cette prise de conscience a donné une toute autre dimension à mon métier de soignant.

L’amour, la spiritualité, comme le massage, une affaire d’humains

Par Dominique Trimoulet (Prêtre. Aide-soignant en soins à domicile)

Il fallait bien parler de spiritualité quand on parle d’amour…

Parler de ce qui nous inspire, de ce qui nous anime, du souffle qui nous habite quand nous entrons en relation par le toucher. L’amour, comme la spiritualité ou le massage n’est pas d’abord une affaire de spécialiste, mais une affaire d’humain. Je suis un humain qui propose une méditation en deux volets.
Le premier volet de mon intervention sera sur ma vision de l’esprit qui anime l’IFJS. Et cela à partir de quelques repères comme :
– l’heureuse surprise de la reconnaissance d’une pédagogie qui m’est familière dans des domaines apparemment bien éloignés les uns des autres (la prêtrise et la pratique du massage).
– la récurrence à travers les mémoires de la formation de Praticien à la relation d’aide par le Toucher-massage d’un itinéraire marqué par ce que j’appelle « l’avènement du moi ».
– la dynamique à l’œuvre tant dans ces formations que dans l’équipe des formateurs.
– la cohérence de l’ensemble avec ce que je perçois de ce qui se joue dans le toucher.
Cette cohérence met en lumière la mise en place d’un cadre de confiance qui garantie la liberté intérieure et favorise l’avènement du sujet. Elle met aussi en lumière une posture, une attitude, une allure, un style, une façon d’être, qui à mes yeux, caractérise l’aventure initiée par Joël Savatofski. Et cela, pour moi, est en phase avec l’amour.
Le second volet, s’appuyant sur le premier, est plus une méditation au croisement de ma pratique et de quelques textes qui me nourrissent, autour de mots clés ou d’expressions comme des mains habitées, la présence, des mains qui envisagent, la fraternité comme relation réciproque et pourtant différenciée, dans un commune humanité…
Et pour finir : une bénédiction…

Le Toucher-massage® dans la mission de compagnonnage en unité de soins palliatifs

Par Agnès Salin (Infirmière, DIU soins palliatifs, Equipe mobile, C.H. Val de Saône)

En tant qu’IDE référente en Toucher-massage au centre hospitalier du Val de Saône, j’ai travaillé avec des agents de divers EHPAD dans le cadre de suivi de fin de vie et de prise en charge de résidents en refus de soins. Ce travail en binôme permet une pratique très enrichissante et chaque jour différente, et nous oblige à une remise en cause permanente. 

Dans le cadre de ce compagnonnage, j’ai pu observer l’impact non négligeable du Toucher-massage sur le personnel soignant. A ma première visite, le soignant est souvent dubitatif, se demandant comment je vais pouvoir l’aider, alors que lui-même n’y arrive plus, pour la toilette par exemple. Mais rapidement, lorsque le Toucher-massage a apporté le calme, que le résident n’oppose plus aucune résistance, plus aucune agressivité, le doute se transforme en étonnement. Puis vient la phase du « Je ne sais pas faire », quand bien même des formations Toucher-massage ont eu lieu dans son établissement. Mais, par manque de temps, du fait d’une charge de travail de plus en plus lourde, le soignant doute de ses gestes et pratique très peu. La peur de « mal faire » est souvent évoquée. Sensibilisé au Toucher-massage, le soignant aborde la démarche palliative avec moins d’appréhension, la culture d’évaluation de la douleur progresse. Le ressenti le plus important est une reconnaissance de ce que l’Autre sait et peut faire.

L’acte de soin du Toucher-massage, répété entre les passages de l’infirmière de l’EMSP, permet de mieux connaître le résident, de préserver une certaine autonomie. Le soignant peut aussi se laisser toucher, cela se produit quand il ressent une détente complète de la personne. Il lui faire ouvrir la main doucement et la pose sur son visage tout en décrivant à voix lente et douce la partie du visage caressée. Mon compagnonnage se situe non seulement dans le transfert de compétence des gestes, mais également dans une utilisation appropriée de la voix, diminuée en intensité, plus lente en débit. La forme négative est écartée. L’expression impérative « N’ayez pas peur » évolue en « Vous êtes en sécurité, tout se passe bien ».

En fin de vie, le Toucher-Massage permet à certains résidents d’esquisser un sourire, d’émettre des gazouillis. Ces réactions provoquent chez le soignant des réactions spontanées de rire, des paroles chaleureuses. Dans les derniers jours de vie, lorsque les mobilisations sont douloureuses, ce travail en binôme prend du temps. Les toilettes sont écourtées et les massages privilégiés. Des yeux qui s’ouvrent, un sourire esquissé sont le remerciement du résident. Lorsqu’un proche est présent, l’inviter à partager un massage de la main, ou un simple geste de toucher, est gratifiant et chargé en émotion. C’est le moment choisi par la famille pour dire son affection ou la faire ressentir par cette communication non verbale qu’est le massage. Le Toucher-massage en soins palliatifs est un moment où l’on se montre authentique, où l’on dit à l’Autre qu’on aime venir le voir, même si le temps passé ne peut excéder une heure pour lui. Les patients/résidents m’ont servie de maîtres : chacun, par son histoire, par ses valeurs m’a confrontée et m’a poussée dans mes retranchements. Les soignants m’ont également beaucoup appris. Toutes ces belles personnes m’ont évité le burn-out, si bien traduit par les Québécois comme « l’âme en deuil du soin idéal ».

Une équipe de soins investie dans la pratique du Toucher-massage®

Par Jérôme Chéry (Cadre-infirmier, Service d’oncologie, C.H. de Chauny), Michelle Fortez & Laurence Guilmont (Aides-soignantes, praticiennes en Toucher-massage détachées des soins).

Pour mieux vivre les épreuves liées à la maladie, les personnes hospitalisées dans certains services d’oncologie ont la possibilité de recevoir les soins de bien-être dispensés par des soignants praticiens en Toucher-massage.

A chacun de nos congrès, une équipe de soins investie dans la pratique du Toucher-massage est mise en lumière.
Cette année, le choix de l’équipe de Chauny s’est imposé à nous.
Nous côtoyons cette équipe depuis quelques années car la démarche de cet établissement est tout à fait innovante. C’est aujourd’hui trois soignants qui ont été formé : Michelle, Laurence et Régis, et qui ont obtenu la reconnaissance et la professionnalisation de leur pratique en Toucher-massage par la création de trois postes de praticien détaché des soins à temps complet.
Accompagnées de leur cadre à l’origine de cette dynamique, Michelle et Laurence nous présentent leur place et leur mission, ainsi que les bénéfices observés auprès des patients hospitalisés en service d’oncologie et en unité de soins palliatifs.

« La philosophie défendue au sein de notre établissement est celle du prendre soin. Le Toucher-massage permet d’entrer en relation avec la personne soignée d’une autre façon, de se centrer sur la recherche de bien-être de cette personne en lui portant davantage encore d’attentions. Nous sommes convaincus que l’attention à l’Autre est le début de l’humanitude, genèse du métier de soignant, nécessaire au maintien de la santé. »

Prendre soin est-il un travail amoureux ?

Par Pascal Prayez (Docteur en psychologie clinique. Auteur)

Oui, l’amour est en jeu dans le « prendre soin » professionnel, mais ce n’est pas au sens d’une relation amoureuse.

Car si les émotions s’invitent dans le corps-à-corps, il appartient au soignant de prendre conscience des mouvements affectifs pour qu’ils ne deviennent pas passionnels.

Tel est peut-être le travail amoureux, qui se construit avec les limites de toute situation professionnelle. Où l’on retrouve la question de la juste distance qui n’interdit pas de se laisser toucher par l’autre, et la question du cadre qui donne un contour à la rencontre.

Diverses expériences seront évoquées pour illustrer ce processus, dans le domaine du soin en fin de vie ou face à une personne en situation de handicap privée de toute sexualité.

Accueillir sans jugement, écouter dans une ouverture totale à l’autre relève alors d’un amour inconditionnel… sous conditions. Telle est la magie des rencontres qui prennent soin de l’être, sans être amoureux : Il y a de l’Amour.

On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux

Par Yannick Brondel (Psychologue. Gérontologue)

Dans toutes les institutions de soins quelles qu’elles soient, on ne s’intéresse bien souvent en priorité qu’au visible… à la face émergé de l’iceberg : ce que l’on voit, ce que l’on comprend, ce que l’on croit savoir à partir de ce que l’on a appris. 

La plupart des sciences s’appuient et s’inspirent de la matière, du concret. Et c’est à partir de cela que se construit l’intelligence.

La psychologie, dans ce qu’elle a de plus spirituelle, a ceci de particulier qu’elle tente d’explorer et s’intéresse à l’invisible : ce qui ne se voit pas mais se ressent, ce qui ne se comprend pas mais se vit, au-delà de tous principes acquis, de tous dogmes, de toutes théories, de toutes suppositions, de toutes croyances…

« Adieu… dit le renard… voici mon secret. Il est très simple… on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »

C’est peut-être cela l’intelligence du cœur… retrouver l’écho de sa petit voix intérieure, réapprendre à l’écouter. Refaire confiance à cette partie de nous qui sait, véritable pépite qui pressent, qui ressent exactement, intuitivement, ce qu’il y a à dire ou à faire, comment être dans n’importe quelle situation. Oser être soi tout simplement.

Au-delà de tous les rôles et costumes endossés, de toutes les couleurs de blouses proposées, de toutes les connaissances apprises, de toutes les technologies éprouvées, retrouver l’essentiel, l’intime, le plus profond, plein de bon sens et de justesse. Laisser couler enfin, sans crainte, l’empathie, la compassion, la tendresse, la solidarité, la sagesse…

Ne serait-ce pas cela soigner avec amour ? Sortir du vouloir, de l’avoir et du faire pour se re-connaître (être de nouveau) enfin, en présence, en lien, et créer des échanges vrais, riches, pleins. Se retrouver enfin d’être à être.

Par le biais de notre petite voix intérieure, l’intelligence du cœur vient nous parler de notre spontanéité affective en nous reconnectant à nos émotions, à notre sensibilité, à notre intuition, à ce que nous sommes vraiment, profondément.
Elle n’attend plus qu’une autorisation pour s’exprimer… la nôtre !

Osons développer cette intelligence pour ne plus seulement SOI-NIER, mais véritablement GAI-RIRE.

Le Toucher-massage® en formation initiale

Par Joël Savatofski (Directeur de l’IFJS, auteur d’ouvrages de référence sur le Toucher-massage)

En 1982, L’Institut de Formation aux Soins Infirmiers de Versailles, IFSI (à l’époque Ecole d’Infirmiers) me demande comment détendre, apaiser et soulager les malades. 

L’enjeu est essentiel : est-il possible de proposer un enseignement spécifique pour les futurs professionnels de santé, enseignement qui permettrait notamment de répondre aux questions suivantes :
– comment aider le soignant à apprivoiser le toucher pour mieux répondre à la demande de mal-être, d’inconfort et de solitude du malade ?
– comment pratiquer quelles que soient les situations et dans un court laps de temps ?
– comment intégrer la famille mais aussi les autres collègues à cette démarche ?
– enfin, comment dispenser ces soins sans s‘épuiser, en restant détendu, disponible, motivé ?
J’ai proposé alors un premier enseignement baptisé « corps, toucher, massage », première concrétisation du concept du Toucher-massage, qui s’est enrichi au fil d’années de recherche et d’expérimentation avec le soutien d’infirmières, d’aides-soignants, de cadres de santé et de médecins. C’est aujourd’hui, pour tous les acteurs du soin, un véritable outil, aussi simple à appréhender qu’agréable à pratiquer. Il permet de répondre aux besoins du malade d’être touché, câliné, accompagné dans sa souffrance. Il s’inscrit au sein des alternatives humanistes face à la multiplication des spécialités et la complexité des soins.

Transmission et reconnaissance du Toucher-massage en formation initiale IDE-AS

Par Catherine Trottin (Infirmière cadre à l’IFSI de RENNES)

La mise en place d’un projet transversal en IFSI permet à l’étudiant d’appréhender cette pratique comme outil de son relationnel.

Après avoir identifié les quatre compétences pouvant intégrer l’apprentissage du Toucher-massage, les objectifs pédagogiques sont déclinés. Tout l’enjeu est de valoriser et de prioriser, au sein de la formation initiale, l’enseignement du Toucher-massage lors d’ateliers de simulation de soins techniques, d’éducation thérapeutique du patient, etc. Cet atout du rôle autonome a toute sa place à l’heure ou les thérapies complémentaires se déploient dans nombre de structures de soins.

Le Toucher-massage® au coeur d’un projet d’établissement

Par Diane Grober-Traviesas et Brigitte Fasan (Directrice et enseignante à L’école de la Croix Rouge, Quetigny).

L’Institut de formations de Quétigny intègre dans son projet d’établissement le Toucher-massage pour toutes les filières de formations : préparatoires aux concours du sanitaire, aides-soignants, auxiliaires de puériculture et infirmiers.

Pensé comme espace de réflexion sur le soin, et sur la relation entre soignants et soignés, à travers le questionnement de notre rapport au corps, à soi, à l’Autre, dans une perspective professionnalisante, le toucher est petit à petit appréhendé comme acte fort de communication et de prendre soin.
Abordé dans ses différentes dimensions (relationnelle, émotionnelle, pratique…) cet apprentissage participe à la construction d’une praxis soignante et au développement d’une identité professionnelle basée sur des valeurs et des principes d’humilité et d’humanité.
Il est aussi aujourd’hui, n’ayons pas peur des mots, un acte militant dans la défense d’une pratique professionnelle pas seulement conçue dans sa part technique, voire techniciste, ce qui aurait pour écueil la seule reconnaissance de la personne soignée comme objet désincarné de soin et non comme sujet dans le soin.
Ce projet a cependant ses limites, en lien aujourd’hui avec les difficultés ou les freins parfois exprimés par les apprenants dans leur rapport au corps, et au toucher lui-même. L’équipe de formatrices cherche donc au quotidien à mettre en place des méthodes pédagogiques permettant à chaque apprenant, à son rythme et avec ses possibles, de donner un sens au Toucher-massage et aux valeurs qu’il véhicule.