Dijon / Juin 2016

7e Congrès européen
du Toucher-massage®

"Ce corps tant haï, ce corps tant aimé"

Présentation

Avec 7 congrès au compteur depuis 2004, d’aucuns pourraient penser que cet grande rencontre est une organisation bien huilée, sans surprise. Mais si cela était, ce ne serait pas un évènement signé IFJS ! C’est une aventure humaine avant tout, avec ses peines et ses joies. Merci à chacun des congressistes et conférenciers présents de s’y être « jeté à corps perdu » ! Nous espérons que le programme concocté vous a fait vibrer, que ce 7e congrès vous a touché, qu’il vous a marqué.

Conférences

Une anthropologie de la peau : le sens du contact

Par David Le Breton (Professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, membre de l’Institut Universitaire de France et membre de l’Institut des Etudes Avancées de l’université de Strasbourg).

La peau est une métaphore de la relation à autrui, elle mesure en effet la qualité de contact. Elle est le lieu de l’interface avec autrui. Elle enclot le corps, les limites de soi, établit la frontière entre le dedans et le dehors de manière vivante, poreuse, car elle est aussi ouverture au monde, mémoire vive. Le toucher n’est jamais un pur toucher mais un affleurement de l’histoire intime de la personne approchée. Le contact peau à peau donne un répit à la souffrance, un appui éventuel pour la repousser. L’individu déchiré trouve des bras pour favoriser son abandon et conjurer le sentiment de chute dans le vide éprouvé alors. Une telle qualité de présence permet au sujet en souffrance de se construire une enveloppe rassurante dans le prolongement du corps d’autrui.

Etre bien dans sa peau, au-delà de la tyrannie du miroir

Par David Le Breton (Professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, membre de l’Institut Universitaire de France et membre de l’Institut des Etudes Avancées de l’université de Strasbourg).

La peau est une métaphore de la relation à autrui, elle mesure en effet la qualité de contact. Elle est le lieu de l’interface avec autrui. Elle enclot le corps, les limites de soi, établit la frontière entre le dedans et le dehors de manière vivante, poreuse, car elle est aussi ouverture au monde, mémoire vive. Le toucher n’est jamais un pur toucher mais un affleurement de l’histoire intime de la personne approchée. Le contact peau à peau donne un répit à la souffrance, un appui éventuel pour la repousser. L’individu déchiré trouve des bras pour favoriser son abandon et conjurer le sentiment de chute dans le vide éprouvé alors. Une telle qualité de présence permet au sujet en souffrance de se construire une enveloppe rassurante dans le prolongement du corps d’autrui.

Etre bien dans sa peau, au-delà de la tyrannie du miroir

Par Pascal Prayez (Docteur en psychologie clinique. Il intervient également en tant que formateur-consultant en milieu hospitalier).

Je suis un bébé porté, touché, câliné. Ces bonnes sensations que la vie me donne, je les redouble en me touchant moi-même : j’ai une peau pour percevoir et pour réfléchir. Dans cette conscience première de mon corps, je suis bien dans ma peau, donc je sens que j’ai de la valeur.
Ensuite, je réfléchis avec mes yeux et je découvre que ce fabuleux petit personnage qui danse dans le miroir, c’est moi ! Comme je suis beau, comme je suis belle ! Cette deuxième réflexion est tellement exaltante que j’en oublie les sensations d’avant. Mon corps devient un objet de fierté… Et je grandis, sans savoir que je suis tombé dans le piège du regard de l’autre. Tout va bien lorsque je reçois son admiration, tout va mal si ce n’est pas le cas.
Me voici adolescent-e et mon corps ne cesse de se transformer, avec des raisons de me réjouir mais aussi de m’inquiéter : mon image dans le miroir n’est jamais exactement comme je la rêve !
Puis je deviens adulte, tentant de vivre avec cette double conscience du corps : celui que je perçois du dedans, lorsque je suis bien dans ma peau, et ce corps que je juge dans le miroir, conforme ou non aux images idéales de la société dans laquelle je vis.
Un jour, peut-être, je serais gravement malade, ou j’aurais un accident, un jour, il m’arrivera de vieillir… Et si je ne pense qu’avec mes yeux, je risque la mésestime de moi.
Qui saura me toucher avec assez d’amour et de respect pour que je me réconcilie avec mon corps ? Qui m’aidera à oublier la tyrannie du miroir ? A retrouver le sentiment de ma valeur au-delà des apparences ?

Quand la danse et le handicap s’unissent sur scène

Par Magali le Naour-Saby (Danseuse / Comédienne / Modèle).

Comédienne et danseuse, Magali s’intéresse aux problématiques associées au corps humain dans l’espace scénique. Développant un intérêt certain pour l’expression corporelle, elle a souhaité interroger la manière dont chaque individu, dans sa différence, rend compte corporellement de sa singularité.
Qu’est-ce que le désir ? Peut-on encore être une jeune femme désirable avec un corps différent ?
Formée en art du spectacle (Licence en études théâtrales, Master en danse contemporaine, 5 ans de pratique en théâtre et en danse contemporaine, des stages auprès de professionnels du métier, etc.), elle aborde ces questions intimes, parfois taboues, à travers la danse, le théâtre, la photographie ou bien le cinéma.
Comment la danse et le handicap peuvent s’unir harmonieusement ?
Les spectateurs ne viennent pas regarder des personnes handicapées qui dansent. Ils viennent applaudir des artistes sur scène ! Il n’est pas nécessaire d’occulter la différence mais au contraire de la sublimer ! D’autre part, il m’apparaît essentiel que les appareillages tels que le fauteuil roulant, ou encore les béquilles, perdent leur fonction initiale pour devenir des outils scéniques au service de la création !

Le massage bébé : une rencontre extraordinaire

Par Isabelle Gambet-Drago (Masseur-kinésithérapeute reférente de l’Association Edelweiss, spécialisée dans le massage des enfants).

Durant les longs mois intra-utérins le bébé prend corps. Progressivement avec l’apparition des différents sens, le bébé découvre son corps et ses sensations. Le toucher est le premier de nos 5 sens à se développer. Avec lui arrive aussi les ressentis du lien maternel, des premières émotions et des premières sensations de l’environnement proche. C’est ainsi que commencent les encodages corporels, socle de notre vie. Certains laissent une trace plus ou moins bienfaisante pour le bébé.
Comment accueillir cet être avec tout ce qu’il apporte de nouveau, de potentiel de changement, de projet personnel et unique… ? Comment accueillir ce bébé au sein de notre biographie familiale et de notre histoire personnelle d’être humain sans orienter son chemin vers nos désirs et nos projections ?
La position fœtale laisse une emprunte corporelle particulière et singulière et chacun de nous la garde comme un référentiel de sécurité affective. La position magique, qui nous tient à cœur chez Edelweiss, reproduit cet enroulement particulier. Elle permet à chaque parent et à chaque soignant de rentrer en relation vraie avec le bébé. Rencontre profonde dans le respect mutuel des besoins, des émotions, des sentiments, des doutes, des difficultés de chacun. Expérimenter cette rencontre extraordinaire avec le bébé et avec soi même ne peut pas laisser indifférent. Le bébé est reconnu avec tout son potentiel et ses réelles compétences de communication. Il en va de même avec le massage bébé. Il peut être commencé dès la naissance pour faire suite au massage intra-utérin si bien connu du bébé. Le massage bébé est avant tout un massage « relationnel ». Il ne demande aucun apprentissage particulier mais il exige d’être à l’écoute de soi et de celle du bébé dans ses ressentis, ses émotions, ses attitudes corporelles… Laisser simplement la main se poser complètement détendue sur le corps de l’enfant et trouver le geste, le rythme, le sens du mouvement qui remplit chacun d’une rencontre vraie dans le respect et l’écoute mutuelle du masseur et du massé. Chaque binôme va progressivement inventer et adapter son massage au cours du temps et des besoins respectifs de chacun. La continuité de ces massages permet à l’enfant de se construire au fil de sa vie en harmonie avec lui-même et de développer un sentiment de sécurité indispensable à une vie équilibrée. Le dialogue ainsi créé donne une confiance réciproque parents – enfants. À nous soignant d’accompagner ces rencontres extra-ordinaires de simplicité, d’intensité de présence et de lien. Écoute du parent, du corps de son bébé et de ce qu’il raconte avec ses mouvements, sa tonicité, ses lâchers prises… Accompagner le parent à l’écoute de soi, de ses ressentis, de ses doutes, de son histoire durant ce partage très particulier et très intime qu’est le massage bébé. Le bébé a pris corps, à nous de prendre soin de son corps pour l’aider à l’habiter avec confiance et plénitude pour une vie harmonieuse.

De « l’ours mal léché » à celui qui est « bien dans sa peau »

Par Juliette Grollimund (praticienne en massage bien-être et formatrice massage à l’école) et Claude Taccard (Professeur des écoles, praticien et formateur en Toucher-Massage®).

J’aimerais vous faire partager mon expérience d’enseignant à l’école primaire en Bourgogne, où j’ai mis en place régulièrement depuis 94 des ateliers « Relaxation-massage » en classe puis dans le cadre des activités péri scolaires.
Mon ami Gérard Fournier, conseiller pédagogique départemental à l’Académie de Cergy Pontoise et praticien de bien-être, avait réfléchi aux objectifs et moyens à mettre en place dans les écoles et a formé des enseignants à cette pratique. Riche de ses conseils et de l’expertise de Joel, j’ai pu à mon tour me lancer dans cette aventure, soutenu par mon Inspecteur, il faut le souligner, qui me proposa même d’animer des ateliers pour les enseignants de sa circonscription, brève expérience mais riche d’enseignement.
Ma conviction est que les premiers apprentissages s’élaborant à l’école, l’éveil et l’éducation à la communication devraient y avoir une place fondamentale. L’enfant, souvent encombré de savoirs abstraits est soumis à un système éducatif qui se préoccupe surtout du futur travailleur, un peu du citoyen et si peu de l’homme. L’éducation aux cinq sens par le jeu, le vécu et l’expérience devrait avoir une place prépondérante tout au long de la scolarité d’un jeune, de la maternelle au lycée : c’est une éducation de l’attention et de la concentration et plus tard, les massages et la relaxation aident à combattre le mal être, le stress des examens et la peur de l’échec.
L’éducation au toucher est une réponse préventive aux violences de toutes sortes. Elle construit un être conscient et responsable. Le toucher mobilise les processus émotionnels, par la verbalisation, on ose parler de soi, de ses craintes, de ses plaisirs. On affine ses perceptions, on construit son schéma corporel, on accepte l’autre. On apprend à vivre ensemble, on développe sa tolérance et sa curiosité. On connaît mieux son corps, ses besoins, ses contraintes, on apprend à se relâcher et on est plus apte aux apprentissages parce qu’on a développé la confiance en soi, la disponibilité de l’esprit et la qualité de l’écoute.

Quand le massage fait école

Par Joël Savatofski (Créateur des ateliers relaxation-massage à l’école, auteur du livre « Jeux-massage »).

La première expérience a eu lieu à Paris dans une école de la rue du Renard, près du centre Pompidou en 1989. École ouverte, décloisonnée qui avait l’habitude de faire venir des intervenants extérieurs. J’ai donc proposé et animé un atelier d’initiation avec le cours élémentaire CE2. C’était ma première expérience dans le cadre scolaire. Deux ans après j’ai recommencé avec les mêmes enfants devenus des CM2. À mon grand étonnement ils se souvenaient parfaitement de la séance que nous avions faite ensemble et de certains détails qui les avaient touchés. J’étais, je dois dire, aussi ravi qu’eux de les retrouver. Les élèves arrivaient tous excités après la récréation, très motivés, les doigts encore plein d’encre… Mais tout se passait le plus tranquillement du monde.
(…) Ce qui m’est apparu évident très rapidement, c’est la facilité avec laquelle les enfants peuvent reproduire les gestes ou en créer d’autres sans souci, à partir du moment où ils ont compris le sens qu’on leur donne. On ne peut pas dire qu’ils se prennent la tête les mômes, ça c’est plutôt une constante du monde adulte !
De même, vous observerez dans l’extrait du film la position des enfants. Ils s’installent au sol comme ils l’entendent et je déconseille vivement de leur demander de s’asseoir bien correctement, ils trouvent la position confortable, adéquate qui leur convient…. un peu comme le fait le chat d’ailleurs.

Marquer la douleur dans son corps

Par Catherine Rioult (Docteur en psychopathologie clinique de l’Université Paris VII, psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle exerce dans un C.M.P.P. (Centre Médico-Psycho-Pédagogique) en Picardie et en libéral à Paris. Plutôt spécialisée auprès d’adolescents en souffrance, elle a mis en place des ateliers d’écriture pour adolescents depuis une dizaine d’années et a animé des groupes de parole pour parents d’adolescents en difficulté, à l’Ecole des Parents et des Educateurs d’Ile de France).

La scarification est une incision pratiquée sur la peau, qui provoque un écoulement de sang et laisse une trace irréversible.
Dans le discours des adolescents qui se scarifient, les raisons le plus souvent invoquées sont « l’écoulement sanguin qui donne le sentiment d’exister » et « le soulagement provoquées par la coupure ».
Qu’est-ce qui pousse un adolescent à s’entailler la peau avec un objet tranchant ? C’est un phénomène en nette augmentation depuis une dizaine d’années qui traduit le mal-être de certains adolescents et touche principalement les filles à partir de la puberté. C’est un moment particulièrement délicat où le corps est le lieu même sur lequel les changements pubertaires se donnent à voir. Cela engendre une véritable révolution où le corps se sexualise de même que la vie psychique et ses relations aux autres. L’adolescent se sent souvent impuissant face à cette métamorphose pubertaire.
La peau est le réceptacle privilégié des marques de l’intimité et joue un rôle fondamental dans la dramaturgie sexuelle qui déborde l’adolescent. Elle le débusque et révèle sa vulnérabilité.
Quel est le lien entre la peau et l’intimité de la vie psychique ? Comment comprendre cette inscription de la douleur dans le corps qui vient mettre fin à une autre douleur, intérieure, plus destructrice ? Que cherchent-ils à exprimer ?
On peut dire que les scarifications sont une façon d’inscrire et de tracer sur la peau les contours d’une souffrance qui ne peut pas se dire autrement. En ce sens, la scarification serait une tentative douloureuse de construction psychique.
Quelle approche thérapeutique leur proposer ? Doit-elle passer par le corps ? A travers des vignettes cliniques, j’aborderai ce phénomène et proposerai des pistes de réflexion ainsi que des approches thérapeutiques.

Entre nos mains, ces adolescents si singuliers

Présentation du film « Entre nos mains, ces adolescents si singuliers » – Réalisation : l’association Soiliance – Images : Clémence Culic – Son et montage : Prune Savatofski

L’association Soiliance travaille à faire connaître la pratique du Toucher-massage® au travers de l’expérience et du vécu de professionnels de santé issus de différents univers du soin ou de la relation d’aide. Cette année, la thématique abordée et la présence de David Le Breton, de Catherine Rioult, tous deux investis dans l’adolescence et ses difficultés, nous ont tout naturellement conduit à présenter une équipe de deux éducatrices spécialisées et deux infirmières formées qui travaillent dans un centre interhospitalier d’accueil permanent pour adolescents (CIAPA). Nous avons choisi de les filmer toutes les quatre, au coeur de leur pratique. Ce centre reçoit des adolescents en souffrance, troubles de la personnalité, du comportement, jusqu’à pour certains, le diagnostic d’une pathologie psychiatrique lourde. Aïda, Cécile, Christelle et Fatima partagent avec nous le fruit de leur expérience, de leurs observations. Elles nous disent ce que cette médiation par la relaxation apporte à ces adolescents. Le Docteur Anne Feingold, pédo-psychiatre chef de service, se joint à l’enthousiasme de l’équipe pour nous dire comment cette médiation trouve sa place dans le projet de soin, enrichit les possibilités de communication et d’expression des adolescents, valorise la posture soignante et dote le CIAPA d’une couleur particulière.

Atelier pour vivre son corps

Par Zohra belkadi (Psycho-motricienne en maison d’accueil spécialisée recevant des jeunes adultes polyhandicapés).

C’est en observant les résidents et en particulier les personnes les moins autonomes que m’est venue l’idée de les aider à appréhender leur corps sur le mode du plaisir et du bien-être. Le métier de psychomotricien prépare à aborder le corps dans sa globalité, tant dans sa dimension physique que psychique. Nous apprenons que le schéma corporel, ou «conscience corporelle», se construit grâce aux différentes stimulations Tactiles, Kinesthésiques (sensation du mouvement et de la position du corps dans l’espace), Labyrinthiques (appareil de l’oreille interne jouant un grand rôle dans l’équilibration) et Visuelles. Mais alors, que se passe-t-il pour tous ces gens dont le geste est tellement limité ? Lorsque leurs mains ne parviennent pas à effleurer leur propre visage ? Comment explorer son corps quand le désir apparaît et que le geste ne suit pas ? Si le corps se découvre également à travers le reflet que la glace nous renvoie, on peut se demander combien de fois ils ont l’occasion de se regarder dans un miroir ? Souvent celui-ci est à peine à la hauteur de visage, le corps ne se résume alors qu’à la figure, au mieux à un tronc. Dans ces conditions cela s’avère bien compliqué d’avoir pleinement conscience de son corps. Quant aux sensations kinesthésiques et labyrinthiques, elles sont d’autant plus réduites que les occasions de bouger, marcher, courir et danser sont limitées. Alors que faire, comment les aider à ressentir ce corps, à se l’approprier ? C’est à partir de ce constat que l’idée de la mise en place d’un atelier toucher-massage prend son sens. Un atelier massage pour sentir son corps s’approprier son corps, avoir un corps ! Cet atelier à lieu une fois par semaine et accueille quatre résidents, accompagnés par un soignant. Mon rôle consiste à guider et donner sens à ce qui se vit. Je prends le temps d’expliquer aux accompagnateurs que le plus important est davantage la qualité du toucher, la présence à l’autre, même si la technique reste très sommaire.
Il est étonnant de constater que les résidents habitués maintenant à fréquenter cet atelier se détendent dès qu’ils pénètrent dans la pièce. Le cadre et le rituel aident probablement à fixer une trace mnésique des séances précédentes. Ils semblent nous dire « ici, on sait qu’on va vivre un bon moment ». Les soupirs qui accompagnent le massage, le relâchement musculaire, leur respiration calme et détendue sont autant de messages infra-verbaux qui attestent de leur bien-être. Vivre le corps sous le versant du plaisir, tel est l’objectif fixé, et il semble que cet objectif soit atteint ! Un des bénéfices inattendus de cet atelier est qu’il est également profitable aux soignants, qui se sentent apaisés suite aux séances et révèlent le plaisir qu’ils éprouvent à entrer en contact de manière différente avec le résident. Un jour, une de mes étudiantes m’a confié une conversation qu’elle avait eu avec une vielle dame alitée. Elle lui avait demandé « Qu’est-ce que cela vous fait quand je vous touche ? ». La vielle dame avait répondu avec un sourire malicieux cette phrase inattendue « Quand vous me touchez, je me sens exister ». Il apparaît par cette petite anecdote qu’une main bienveillante posée sur une personne rappelle cette perception d’existence, ce sentiment d’être. Alors à la question « avons-nous un corps ou sommes nous un corps ? » Je me permets de répondre avec une petite pointe d’humour : les deux mon capitaine !

TANDHEMS – Le Toucher-massage contre l’ANxiété : Développement en HEMatologie Stérile

Par Armelle Simon (Inf. MSc – Centre Fédératif Douleur Soins de Support, Soins Palliatifs, Ethique Clinique et Thérapies Complémentaires – CHU de Nantes – France).

Depuis 2009, au CHU de Nantes, nous proposons une pratique innovante de Toucher-massage® dans le contexte d’isolement protecteur en hématologie. Un financement institutionnel a permis de réaliser une recherche visant à en mesurer l’impact sur l’anxiété des patients.
Le Toucher-massage est pratiqué par de nombreux infirmiers pour répondre à des symptômes anxieux fréquents mais très rarement en hématologie stérile où l’isolement protecteur est une priorité. Les malades y subissent de nombreux soins invasifs et sont privés de tout contact physique avec leurs proches. Nous avons développé la pratique innovante de Toucher-massage dans ce contexte d’isolement corporel très fort.
Peu d’études ont tenté de mettre en évidence l’impact de ce soin sur l’anxiété. Il s’agit désormais de fournir des données probantes aux professionnels pour intégrer cette pratique au coeur du soin.
L’objectif principal est de montrer que l’anxiété diminue après une séance de Toucher-massage (échelle de Spielberger). Les objectifs secondaires sont de montrer l’évolution de cet impact sur l’anxiété et l’estime de soi (Echelle de Rosenberg). Ces données quantitatives sont enrichies d’une partie qualitative qui explore le vécu des patients.
Une méthode mixte a été déployée. Une étude expérimentale randomisée contrôlée, ciblant les patients (de 18 à 65 ans, atteints de leucémie) comparait un groupe recevant le Toucher-massage (un soin par semaine sur 3 semaines) et un groupe contrôle (temps calme). Soixante deux patients ont été inclus. Une étude qualitative descriptive fut menée à partir d’entretiens semi-directifs entre une sociologue et un échantillon de patients du groupe Toucher-massage.
Les soins de Toucher-massage diminuent significativement l’anxiété des patients : une diminution moyenne de score de 10,7 sur l’échelle STAI–Etat (Stai Trait Anxiety Inventory) est obtenue pour le groupe Toucher-massage. L’amélioration du score de l’estime de soi n’est pas significative. Les patients rapportent cependant lors des entretiens l’importance du Toucher-massage pour maintenir l’estime de soi.
Si l’étude quantitative a montré une efficacité du Toucher-massage sur l’anxiété dans ce contexte, l’apport des données qualitatives a permis de faire émerger des données nouvelles quant à l’intérêt pour les patients d’être acteur de leur prise en soin à travers les thérapies complémentaires. Cela met en évidence l’intérêt d’enrichir les données quantitatives de données qualitatives en recherche en soins infirmiers.
Cette recherche fournit des données probantes aux infirmiers afin qu’ils puissent intégrer le Toucher-massage® dans les actions infirmières à proposer aux patients anxieux. L’organisation des soins de thérapies complémentaires reste à établir dans des secteurs où les soins infirmiers techniques sont nombreux.

La chanson comme une caresse

Conférence spectacle de Najib Bengounia (Auteur-compositeur interprète)

Auteur-compositeur interprète, Najib, avec son sourire et sa joie de vivre, nous entraîne dans son univers musical magique, apaisant, plein d’humanité et de simplicité.
Najib est né en Algérie, aux portes des dunes. Arrivé en France en 1958, pour se faire soigner d’une polio contractée à l’âge d’un an, il reste pour y vivre avec sa famille, dans la région parisienne.
Si ses chansons sont un partage, son handicap aussi. Et ce n’est pas sans humour qu’il relève les défis de la vie. « Cela peut paraître incongru, mais je vis depuis toujours avec le handicap comme moteur et source d’innovation pour continuer à avancer… Aller à la vitesse de son handicap est l’assurance d’arriver à bon port. »
C’est au lycée qu’il découvre la pratique musicale. Autodidacte dans un premier temps, il suit ensuite des cours de guitare et de solfège. Dans les années 90, il est responsable d’équipements jeunesse dans les quartiers et parallèlement, dans son temps libre, il élabore son propre répertoire de chansons. Son travail est récompensé en décembre 1999 par la Fondation Handi-Thomson, aujourd’hui Thalès, ce qui lui permettra de produire son premier album, Génération Première. Suivra, en 2012, un deuxième album , Les Mots de France.

Najib nous interpréta lors de ce congrès, pour notre plus grand plaisir, quelques-unes de ses plus belles chansons extraites de l’album « Les mots de France », dont « Né ainsi ».

Le corps vécu et la différence des ressentis

Par Pierre Ancet (Vice-Président délégué aux politiques culturelles – Maître de conférences en philosophie et Chercheur au Centre Georges Chevrier – Université de Bourgogne, CNRS – Directeur de l’Université pour Tous de Bourgogne).

Le corps tel qu’il est vécu par chacun d’entre nous est très différent de ce que nous pouvons imaginer compte tenu de son apparence extérieure. Lorsque nous voyons une très vieille personne ou un individu atteint par un handicap visible, nous projetons nos propres états intérieurs sur son corps. C’est la raison pour laquelle nous imaginons souvent leur vie insupportable : parce que nous imaginons que nous ne pourrions pas la vivre. Ce qui se traduit par des pensées comme : « je ne pourrais pas être à sa place » ; « je préférerais mourir que de vivre cela ». Or les personnes qui sont confrontés à ces vicissitudes du corps doivent bien vivre avec elles. Le problème ne se pose plus du tout de la même manière lorsque l’on est face à la difficulté, suite à l’accident, ou suite à la maladie. Car désormais il faut bien vivre, ne pas renoncer à soi. Et parfois même on en vient à développer d’autres manières de vivre.
Nous aborderons de nombreux exemples de ces adaptations à ce que l’on nomme le handicap physique ou sensoriel : est-il vrai par exemple que toute personne paralysée se sent coupée de son corps ? Est-il possible à l’inverse de ne pas être touché par une quelconque atteinte organique et de ne plus sentir son corps ? Nous ferons allusion à nos deux ouvrages co-écrits traitant de ce sujet : Le Corps vécu chez la personne âgée et la personne handicapée, et Dialogue sur le handicap et l’altérité. Ressemblances dans la différence, mais aussi à Conscience du corps de Richard Shusterman, à propos des pratiques de développement de la conscience de soi vues par un philosophe et praticien de la méthode Feldenkraïs, ainsi qu’aux nombreux livres d’anthropologie du corps de David Le Breton, car notre perception et notre vécu du corps est aussi largement culturelle, et transformée par nos propres référents symboliques. Le fonctionnement du corps n’est pas seulement physiologique, comme l’écrit David Le Breton dans Anthropologie de la douleur : il faudrait penser une physio-sémantique, qui mette en lien la physiologie et le sens subjectif, groupal, social et culturel que nous donnons à ce que nous vivons. Tous ces exemples auront pour fonction de nous faire réfléchir aux différences que nous ne soupçonnons pas : chacun d’entre nous vit probablement son corps et son rapport au monde différemment de ce que vit son voisin, ses enfants ou son propre conjoint. Il les vit différemment de ceux qu’il soigne ou accompagne en tant que professionnel du champ médical ou médico-social. Si l’empathie est une indication importante de ce que peut expérimenter autrui, encore faut-il se méfier d’une empathie supposée qui n’en est que l’apparence. L’empathie peut n’être parfois qu’une projection sur le corps d’autrui de nos propres sensations ou représentations, elle n’est alors « qu’empathie égocentrée », elle n’a pas plus de valeur que la « réciprocité unilatérale », parce qu’on la postule au lieu de la vivre avec autrui.
Développer notre ressenti somatique signifie donc être en mesure de conserver la juste distance et la bonne qualité de contact envers autrui. Etre trop proche peut être intrusif ; être trop distancier peut donner le sentiment que l’on rejette l’autre. Notre empathie se nourrit à la fois de nos sensations et de nos connaissances : elle est affective et cognitive. Elle peut s’appuyer sur l’imagination, mais une imagination qui se souvient qu’elle n’est qu’imagination, comme la connaissance comporte en elle le savoir de ses limites. Nos expériences, nos discussions et nos interrogations sont d’autres moyens de se rapprocher du ressenti psycho-somatique d’autrui qui restera pourtant à jamais de l’ordre de l’incommunicable. Mais nous faisons ici l’hypothèse qu’une part difficile à quantifier de ce que nous vivons est de nature intersubjective, que le partage existe, malgré l’ensemble des obstacles que nous venons d’évoquer.

Une anthropologie de la peau : le sens du contact

Par Diane Grober-Traviesas (Directrice de l’IFSI de la Croix rouge de Quetigny).

Vivre son corps imparfait, se construire, évoluer à travers les rencontres, les apprentissages, les échecs et les apprivoisements… Intégrer la place du Toucher-massage® dans sa dimension de retour sur soi, par la meilleure connaissance de soi, pour construire les accords, parfaits ou imparfaits de la relation à soi, à l’autre. Chemin faisant, dans des mouvements perpétuels de va-et-vient entre expériences personnelles, parfois intimes, et professionnelles, interroger les possibles, les limites, les tabous, faire naître de nouvelles ressources pour donner une place et du sens aux émotions dans une pratique soignante. Interroger le sens du soin et du prendre soin, par et à travers le champ des possibles qu’offre entre autres le Toucher-massage®, en particulier au sein des instituts de formation, à l’heure de mutations, de bouleversements paradigmatiques dans le monde de la santé. Alerter sur l’urgence de préserver les fondamentaux et les fondements du soin et du prendre soin, l’héritage culturel sur lequel nous construisons nos idéaux et nos valeurs, à l’heure de l’universitarisation de la formation infirmière… A travers la discussion autour des savoirs nécessaires pour exercer les métiers du soin aujourd’hui, des valeurs qui les sous-tendent, ouvrant le débat sur la nature-même des soins et les enjeux de reconnaissance, de légitimité de nos métiers, cette intervention se propose de tenter de questionner, d’interroger la place des émotions, des ressentis dans la formation des futurs professionnels de santé et leur pratique professionnelle.

Table-ronde : Quand le toucher d’accompagnement devient un métier

Table ronde organisée par Jacqueline Thonet, présidente de l’association Soiliance.

Dés la création de ce congrès, l’idée motrice a été de faire découvrir au public, l’activité de professionnels formés à la pratique du Toucher-massage®. De faire découvrir comment chacun pouvait investir un savoir-faire, au sein d’unités de soins allant du nourrisson à la fin de vie. Au delà de chaque témoignage, il s’agit pour nous de vous présenter le métier que nous avons créé et que nous souhaiterions voir se développer un peu partout en France, dans chaque établissement de soins. Ce métier que nous nommons « Praticien en relation d’aide par le Toucher-massage® » comprend trois missions complémentaires. La première, prendre soin de personnes fragilisées en pratiquant des massages de bien-être, de confort et d’accompagnement. La seconde mission est d’initier une action de compagnonnage auprès des équipes soignantes, de façon à ce qu’un relais puisse s’effectuer en dehors du temps de présence et de la disponibilité du praticien. Enfin, une mission de prévention santé en direction des salariés de l’établissement. Il s’agit là de mettre en place une véritable dynamique pour lutter contre la fatigue, le stress, d’offrir une réponse satisfaisante au besoin de soutien des équipes de soins. C’est pour nous une grande joie de vous présenter quelques uns de ces professionnels.

Françoise Debrie, IDE référente douleur C.H Beauvais.

Françoise Debrie, est infirmière référente douleur (IRD), elle travaille en consultation d’évaluation et traitement de la douleur (CETD) au centre hospitalier de Beauvais. Dans le cadre des techniques complémentaires plébiscitées, la pratique du Toucher-massage® occupe 50 à 60 % de son activité. L’intérêt de cette prestation n’est aujourd’hui plus à prouver auprès des patients et de l’équipe pluridisciplinaire. Outre le soulagement, l’apaisement qu’elle procure, Françoise nous explique que ces séances bien-être, donnent lieu à une certaine renaissance, un temps de présence à soi qui permet un cheminement, une acceptation de devoir vivre autrement, une ouverture vers les ressources nécessaires pour continuer et vivre avec.

Stéphanie Angaman, IDE référente douleur C.H Compiègne – Noyon.

Stéphanie Angaman, quant à elle, travaille au centre hospitalier intercommunal de Compiégne-Noyon, son activité est partagée comme infirmière référente douleur en service de consultation et comme infirmière en unité de soins palliatifs où elle coordonne les soins. Stéphanie utilise son savoir-faire pour soulager, accompagner les patients qui lui sont confiés dans ces deux unités. Le Toucher-massage® fait partie intégrante de sa fonction. Aujourd’hui, s’ajoute une mission de formation auprès de tout le personnel du service soins palliatifs, de façon à pouvoir développer une véritable culture autour de cette pratique, au sein de cette équipe.

Pascale Bottard, Kinésithérapeute et praticienne et Beate Birkenbeil, infirmière.

Pascale Bottard, kinésithérapeute et Beate BirkenBeil, infirmière en santé mentale. Toutes deux pratiquent au centre hospitalier de Semur en Auxois, en Bourgogne. Pascale nous dit comment elle vit et assume ses différentes compétences : kiné, praticienne en Toucher-massage® et formatrice.
Formées à nos techniques, elles ont mutualisé leurs compétences et nous font un retour d’expérience sur les ateliers qu’elles mettent en place en santé mentale.