Soiliance Production

Au-delà des mots : le toucher.

Catherine Même est infirmière, formatrice et praticienne en relation d’aide par le Toucher-massage®.
À l’occasion du 8e Congrès de 2018, elle nous a partagé son expérience du massage à domicile auprès depersonnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neuro-dégénératives
 

Catherine propose des séances de massage à domicile à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neuro-dégénératives. C’est au travers de trois histoires, que Catherine a choisi de partager avec nous, son expérience et le fruit de ses observations.

L’histoire de Cécile et Véronique.
La maman est atteinte de la maladie d’Alzheimer en phase terminale. Elle ne communiquait plus verbalement et était placée en EHPAD. Véronique, très attachée à sa mère, avait le désir profond de lui apporter tout le bien-être possible, jusqu’au bout, mais elle se sentait un peu démunie. Elle ne savait plus comment prendre sa place dans cette relation qui lui semblait alors à sens unique.
Les séances massages pratiquées par Catherine, qui a pris grand soin de les ajuster à l’attitude de Cécile, ont appris à Catherine que Cécile avait besoin du contact visuel pour ressentir, comprendre et anticiper ses intentions.
Profitant de cette expérience massage, Véronique a ensuite veiller à utiliser le contact avec le regard pour communiquer avec sa maman. Elle était présente à chaque séance massage et, grâce à Catherine, elle a pu observer et comprendre que grâce au toucher, une personne ayant de gros troubles cognitifs était en capacité de ressentir et de communiquer des émotions.

L’histoire de Daniel et Marie-Christine
Marie-Christine sollicite Catherine pour son mari Daniel. Atteint de la maladie d’Alzheimer depuis 7 ans et grabataire depuis 3 ans, il est resté à domicile. Il a les membres supérieurs très rétractés et présente aussi régulièrement des troubles de la déglutition. Après avoir longuement écouté les attentes de Marie-Christine, Catherine propose des massages en s’adaptant aux réactions de Daniel. Le retour de la première séance a été très enthousiaste, Marie-Christine lui a dit : « Je ne sais pas ce que vous lui avez fait la dernière fois, mais il a nettement moins de troubles de la déglutition » (trouble extrêmement angoissant pour une aidante seule à domicile). Les soignantes du SSIAD ont également repéré que Daniel était nettement moins raide les jours suivants ses passages. Une relation de confiance s’était installée entre Marie-Christine et Catherine, lui permettant de se confier et d’exprimer combien elle se sentait démunie et incomprise de son entourage proche. Catherine a accompagné Daniel pendant 2 ans et demi, jusqu’à son décès. Voici un extrait de ce que Marie-Christine a écrit quelques semaines après le décès de Daniel.
« Les mots font défaut mais les émotions sont encore là. Comment les comprendre si ce n’est par le toucher. Le massage offre ce dernier lien de bonheur, de calme et de sérénité. Merci pour le bien-être que vous avez apporté à mon mari, vous avez tissé un ultime lien entre la vie extérieure et lui. Vous m’avez aidé à accompagner cette vie qui s’éteignait. »

L’histoire de Thérèse et Pierre
La rencontre avec Pierre et Marie-Thérèse, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis 5 ans. Elle communique verbalement mais son discours est complètement incohérent avec, toutefois, un vocabulaire et une expression très riche. Elle est placée en institution. Pierre souhaite qu’elle ait encore des moments de bien-être et c’est pour cela qu’il a sollicité Catherine. Catherine ira la masser à l’EHPAD. À chaque séance de massage, Marie-Thérèse exprime beaucoup ses sensations et ses émotions, qu’elles soient agréables ou désagréables, cet échange est un vrai bonheur. Au bout de quelques visites, elle reconnait Catherine. Elle ne savait pas la nommer mais elle sait ce qu’elle venait faire. Voici quelques paroles exprimées par Marie-Thérèse lors des massages :
« Je ressens une volupté sensuelle, dans le sens douceur. »
« Ma peau n’est pas comme d’habitude. »
« Vous faites revenir des souvenirs agréables. »
« Je retrouve mon enfance. »
« C’est rare que je me détende comme ça. »
Un jour, Catherine lui dit « Pierre est très attentif avec vous », elle répond : « oh c’est plus que de l’attentivité c’est de l’amour. »

Catherine a repéré de nombreux points communs à toutes ces histoires, si singulières soient-elles :
– la présence d’un amour inaltérable jusqu’au bout de la vie entre deux êtres chers
– Le sentiment de l’aidant de ne plus pouvoir communiquer, de ne plus comprendre l’autre
– Le désir mutuel de continuer à échanger, à partager, limité par l’absence d’outils
– Le besoin d’être accompagné dans une communication différente.

Dans toutes ces aventures, Catherine nous dit avoir pris soin de ne pas prendre une place qui ne lui appartenait pas. Son objectif n’était pas de remplacer les aidants, mais plutôt de leur montrer qu’il est toujours possible pour les malades d’exprimer des sensations, des émotions même quand on ne peut plus s’appuyer sur le sens des mots. Il faut emprunter des chemins différents, en passant par le toucher, seul langage commun disponible quand le reste nous échappe.

Lors de chaque accompagnement, Catherine nous confie vivre une aventure humaine extrêmement riche et intense. C’est à la fois un vrai plaisir et une grande responsabilité que de parcourir ce bout de chemin avec ces personnes que la maladie a rendues vulnérables.