Portrait de praticien

Sabrina DURAND

Présentation

Celine Sanchez

Céline Sanchez

Elle s’appelle Céline Sanchez, née à Nîmes, aujourd’hui installée à une trentaine de kilomètres, dans la belle ville d’Uzès, elle a l’accent chantant des gens de là-bas. Enjouée, dynamique, au parler franc, elle a l’art de faire rire et de vous mettre très vite à l’aise. Soignante dans l’âme, c’est de sa vie professionnelle, de ses patients dont elle adore parler et souvent de façon cocasse, mais toujours respectueuse. Ce qui m’a donné envie de faire son portrait, et de partager son étonnant parcours qui va, je pense, en faire rêver plus d’un ou plus d’une. Bonne lecture !

Céline, en quelques mots peux-tu présenter ton cheminement professionnel, comment es-tu arrivée au métier de soignante ?

Par hasard ! … En fait j’ai débuté des études pour le métier de moniteur éducateur, au bout d’une année mes parents sont décédés à quelques mois d’intervalle, ce double deuil m’a complètement déstabilisée, j’ai stoppé ma formation. Puis, j’ai fait le choix de privilégier ma vie de famille avec trois enfants. Quand j’ai voulu reprendre une vie professionnelle, il me fallait reprendre 2 ans d’études pour être éducatrice et cela m’a paru inaccessible, en revanche il ne fallait qu’une année pour devenir aide-soignante, c’est donc le choix que j’ai fait.

Parlons maintenant de ton cheminement professionnel, comment es-tu arrivée à la formation de Référente en Toucher-massage® ?

J’ai d’abord travaillé en EHPAD, mais très vite j’ai été frustrée de ne pas avoir le temps de prendre soin des personnes âgées, alors je me suis tournée vers le médico-social, où je pouvais proposer des activités socio-éducatives ce qui répondait davantage à mes attentes. J’ai intégré la maison d’Accueil Spécialisé l’Eure Cité à Uzès et j’y suis restée 17 ans.
Une MAS (maison d’accueil spécialisée), reçoit des adultes avec des troubles du comportement, des troubles du spectre autistique, mais aussi des pathologies lourdes, telle que la schizophrénie, etc. Dans ce milieu, ce qui me plaisait c’est d’avoir une double casquette, de me sentir à la fois soignante et éducatrice, de m’adapter aux personnes et aux situations.

Donc tout allait bien pour moi, quand la MAS a organisé sur site une initiation au Toucher-massage® animée par Emmanuelle CARTAUD toujours formatrice à l’IFJS. Cette formation a été une belle découverte, je me suis dit que c’était vraiment une autre belle façon de prendre soin de la personne. Renseignements pris, j’ai voulu aller plus loin avec une formation certifiante. Il a fallu me battre, j’ai présenté 4 fois ma demande de prise en charge à l’ANFH, le dernier envoi accompagné d’une enquête sur les attentes et besoins des patients, des services de soins, a probablement facilité la décision de prise en charge. A cette époque la directrice de la MAS était plutôt contre cette formation, et me disait que je n’interviendrai jamais auprès des résidents. Il m’a donc fallu un peu de temps pour diffuser mon savoir-faire et pour négocier un peu de temps, j’ai finalement obtenu un jour par mois puis au vu des résultats et des bénéfices obtenus que soulignaient les équipes de soins, j’ai obtenu deux jours par mois. Mais la direction m’a demandé que ce soit à titre privé. Que cela ne tienne, je me suis installée en tant qu’auto-entrepreneur, j’étais à la fois salariée comme aide-soignante, intervenante extérieure comme Praticienne de massage bien-être. J’ai pris beaucoup de plaisir à cette double casquette, d’autant que très vite, l’institution m’a demandé en plus, de consacrer le vendredi pour une journée Pause-massage® pour le personnel. Mais c’était trop… je m’épuisais. J’ai donc pris la décision de me mettre en disponibilité pour me consacrer complètement à mon activité massage.

Alors, aujourd’hui, où en es-tu ?

Je travaille 4 jours par semaine, 2,5 à 3 jours auprès des résidents de la MAS, le vendredi pour le personnel de la MAS et j’interviens aussi pour d’autres institution comme le CHS d’Uzès, l’Hôpital Local, et autres maisons de retraite. Je ne m’attendais pas à être si vite et autant sollicitée.

Comment sont organisés les RV à la MAS par exemple, qui masses-tu ?

Je travaille en lien avec l’équipe éducative, j’interviens dans le cadre du projet de vie du résident, les éducateurs choisissent les personnes susceptibles de venir à cette activité. Cette maison d’accueil compte 45 lits, je prends soin de 30 personnes, dont 26 personnes que je vois une fois par semaine et 4 personnes une fois par mois, selon les besoins.
Je propose des séances de 30 minutes, chaque séance est adaptée à la personne, à son humeur, son état psychologique. Il m’est difficile de savoir comment va se passer une séance, je dirai que c’est imprévisible. D’ailleurs, je ne pense pas qu’un Praticien de massage bien-être, extérieur au métier de soignant sans connaissance de ces pathologies, puisse s’adapter de la même façon. Mes connaissances, mon expérience en tant que soignante avec ce type de public est indispensable, il ne me serait pas possible de pouvoir établir une relation de confiance avec les résidents selon leur pathologie, leurs difficultés du moment sans cette expérience. Il me semble que c’est pour cette raison que je suis autant sollicitée. Je m’adapte sans cesse à la personne et à la situation. Il m’arrive de me tromper, mais je sais comment réagir si c’est le cas, comment apaiser la personne, la sécuriser. Encore une fois c’est la relation de confiance installée qui a un énorme impact sur le contenu de la séance et ses bénéfices.

Peux-tu nous donner un exemple de « client » dont la prise en soins par le Toucher-massage soit complexe ?

Oui, je pense à une personne « anaclitique », c’est une personne qui a une faille narcissique, qui a un besoin pathologique de l’autre, de s’appuyer constamment sur les autres. Ce sont des gens qui se mettent sans cesse en situation d’échec, de façon à bénéficier des soins et de l’attention de l’autre. Ce type de personne peut faire « foirer » une séance afin de prouver qu’elle ne mérite pas votre intérêt. C’est très éprouvant, parce qu’on se retrouve dans des situations ambiguës, à la fois elle a besoin de vous et à la fois, elle fera en sorte de démolir ce qui se passe. Dans les services de soins, il n’est pas rare que ces personnes soient détestées et traitées de « perverses ». Il est donc nécessaire de connaitre bien le profil de ce type de pathologie pour ne pas tomber dans le piège et pour conserver une posture qui soit « juste » et aidante, c’est-à-dire une posture qui valorise ce client, quel que soit le scénario qu’il a pu mettre en place. Pour exemple, à la fin d’une séance, il m’est arrivé qu’un homme ayant ce profil, ne veuille pas me donner l’argent remis par son tuteur pour régler la séance. Il a fallu que je lui parle longuement, que je lui rappelle qu’il était quelqu’un de bien, que je le valorise pour arriver à mes fins, et recevoir de lui, le règlement prévu. L’erreur aurait été que je m’agace ou que je dévalorise.

Céline, peux-tu nous parler du côté financier. Qui règle ces séances, comment cela se passe ?

Ce sont les familles, ou les tuteurs qui règlent les séances, je fais un devis que je donne à l’éducateur référent qui le soumet au tuteur, l’éducateur me remet ensuite le devis validé et je facture les séances une fois par mois. Il y a une traçabilité pour chaque séance, ce qui permet de voir que ces séances ont bien été effectuées, je prends juste quelques notes sur la séance, qui peuvent être consultées par tous.

Que peux-tu nous dire de ta vie professionnelle aujourd’hui ?

Je me sens tellement bien !
Je me sens à ma place et bien dans ma vie.
Si je refais le chemin à l’envers, je prends conscience que j’ai énormément grandi et que je grandis encore.
Mon envie de prendre soin de l’autre, s’est complètement réalisée. Je me sens moi, ma vie professionnelle m’apporte chaque jour des sujets de satisfaction par les retours des personnes que je masse, que ce soit un retour en mots ou un message plus corporel (chez une personne autiste notamment). En psychiatrie, les gens sont très peu touchés, voire pas du tout si pour la toilette et l’habillage ils sont autonomes. Le fait de toucher, de masser ces personnes donne donc des résultats que je qualifie d’incroyables. Ma salle de massage à la MAS, est devenue un endroit d’hypostimulation, les résidents viennent y déposer leurs tensions, se connecter à leur corps, leur enveloppe corporelle. Pour la plupart d’entre eux, le seul toucher qu’ils reçoivent, est donc le mien. Je suis donc très respectueuse de cette confiance et de cette relation, ce qui me permet de passer au-delà des petits inconvénients. Par exemple, il arrive qu’en cours de massage la personne bave, je n’en tiens pas compte, je passe au-delà de l’aspect désagréable, je continue même si mes mains sont en contact avec la salive. J’ai dépassé certaines appréhensions, je mesure surtout l’impact de la séance et rien d’autres n’est plus important. J’ai trouvé ma voie, et puis plus je masse, plus de ressens, plus j’ai confiance en moi, en mon savoir-faire et en mes capacités intuitives. Je continue à lire beaucoup, à me documenter notamment sur la conscience corporelle.

Et puis, il y a mon autre activité massage assis auprès des salariés, différente dans ses objectifs, cette activité me donne les mêmes satisfactions. La relation de confiance qui s’installe permet aux personnes qui viennent se faire masser, de me parler de se confier. Durant les 15 minutes que dure la séance, ils trouvent une écoute, un lâcher-prise, une détente. De ce fait, je suis aussi régulièrement en lien avec l’infirmière et le psychologue du travail, car j’invite les personnes que je sens trop épuisées, trop « au bout du rouleau », à se rendre à la médecine du travail.
Les séances de massage assis ont donc aussi un impact important dans la vie de l’institution.

J’entends que tu es bien dans ce que tu fais aujourd’hui, mais si nous parlions d’avenir as-tu des souhaits, des projets ?

Dans l’avenir j’aimerais vraiment diffuser davantage ce savoir-faire, il y a tellement de besoins. Je trouve que trop peu de soignants utilisent le Toucher-massage® et j’aime transmettre ce que j’ai appris, ce que je sais faire et ce qui est pour moi une activité passionnante.

Et quel conseil donnerais-tu aux soignants ?

Formez-vous !