Soiliance Production

Du détail clinique au souci d’autrui, une éthique de l’attention..

L’élégance soignante – pour une clinique du détail

Christophe Pacific est cadre supérieur de santé au centre hospitalier d’Albi, docteur en philosophie, son domaine de prédilection est l’éthique. Poête, épicurien, son esprit rieur, sa faconde en font un conférencier hors pair, nous aimons sa présence et sa façon de défendre des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons. Au travers de son concept de la « miscroscopie du soin », Christophe défend le fait qu’à force de parler du prendre soin dans sa globalité, on passe peut être à côté de l’essentiel, prendre soin du détail .. or l’humanité se joue là, dans ces détails qui sont quelquefois déterminants dans la relation de confiance, ou la relation d’aide que l’on souhaite établir avec le patient. 

Christophe : « Le Soin doit pouvoir gagner en élégance, en grâce et en précision. Il ne s’agit pas ici de balayer d’un revers de main les démarches existantes mais d’être capable de nous autoriser à un système critique qui permettrait de libérer notre pensée et nos gestes professionnels ; Offrir des ouvertures et des possibles pour augmenter notre art en termes d’émotion, d’intuition, d’imaginaire et de créativité. La grâce et la rigueur ne sont pas antinomiques.


Vers une nouvelle clinique critique infirmière
Selon Christophe Pacific, « un enseignement autour de la microscopie du soin propose ainsi un nouveau focus, une nouvelle clinique qui se fonde sur l’attention et l’intensité du moment présent. » Une clinique évolutive de la micro à la
macroscopie. Depuis trente ans, la démarche holistique nous oblige à construire la personne comme un système composé de toutes ses dimensions physiques, affectives, cognitives, sociales et spirituelles. Alors certes, cette idée du Tout n’est pas inintéressante en soi pour soigner notre patient, mais en courant après le Tout, ne risque-t-on pas de louper l’essentiel, le détail déterminant pour lequel notre intuition, notre sens du Soin se forment au grès des expériences ?
Prenez un jeune homme récemment atteint de tétraplégie incomplète. La seule découverte de la mobilité intentionnelle de quelques millimètres d’un orteil va déclencher des émotions positives
qui seront autant de leviers pour progresser ensemble dans la démarche de soins. L’infirmier qui sera capable de voir cette microscopie du soin sera capable de soulever des montagnes.
Un enseignement autour de la microscopie du soin propose ainsi un nouveau focus, une nouvelle clinique qui se fonde sur l’attention et l’intensité du moment
présent.

La microscopie du soin
Cette clinique prend le contrepied d’une démarche globale et traite d’un regard clinique essentiel qui cherche à traquer les menus détails chers à Marie-Claude Vallejo1 dans son Éthique au coeur des petites choses. Il s’agit ici de capter l’éphémère, de saisir le moment opportun où les mâchoires se serrent en silence pour contenir une douleur et répondre au plus tôt de la présence soignante, a contrario d’apercevoir une ride qui nait sur un coin d’oeil plissé et qui peut évoquer un sourire contenu et qui mérite d’être vu pour être partagé. Ne pas se satisfaire du grand Tout et viser son contraire pour augmenter notre champ de conscience, changer nos habitudes et accorder au millimètre sa grandeur quand il conditionne un nouveau possible, voilà bien une dimension paradoxale et essentielle au regard soignant. Un enseignement au tour de la microscopie du soin propose ainsi un nouveau focus, une nouvelle clinique qui se fonde sur l’attention et l’intensité du moment présent. Il s’agit aussi de permettre aux émotions un droit de cité professionnel. Rendre au soignant la légitimité de s’émouvoir encore de ces petites choses qui nous rendent éminemment humains et résister sur l’essentiel : ce qui nous a amené à être qui nous sommes, le rester et devenir meilleur avec et pour autrui dans des instituions justes comme le pensait Paul Ricoeur. »