Portrait de praticien
Laurence Duval
Présentation

Elle est aide-soignante depuis 2000, elle a débuté sa vie professionnelle en travaillant de nuit dans un service de rééducation accueillant des pathologies lourdes notamment des personnes cérébraux-lésées puis en se. L’angoisse, le stress et les problèmes d’insomnie que rencontrent les patients, la touchent particulièrement. Elle s’est d’abord sentie démunie, puis c’est probablement le souvenir du bien-être procuré par sa maman qui venait le soir lui masser les mains ou lui gratter le cuir chevelu, pour lui souhaiter une bonne nuit, qui l’a autorisé petit à petit à oser pratiquer un geste doux. Ce geste était instinctif bien sûr, guidé par l’envie de soulager, de détendre, mais naturellement, très vite les résultats ont été encourageants : le stress diminuait, l’angoisse se réduisait et les patients s’endormaient ! Laurence forte de ces premières expériences, décide alors d’en savoir plus, elle cherche et trouve un stage Toucher-massage à Nantes. Son établissement accepte sa demande de formation, la voilà partie pour 3 jours pour son premier stage d’initiation. Tout de suite elle se sent bien, en confiance, au bon endroit. Les valeurs portées par l’école sont les siennes et les pratiques enthousiasmantes. A son retour, elle met très vite en application ce nouveau savoir-faire, heureuse de participer au mieux-être des patients. Le service des ressources humaines l’encourage et lui propose de masser ses collègues un lundi par mois. L’activité de Laurence se met doucement en place. Les retours des patients et de ses collègues la portent. Anne la formatrice de Nantes, devant son enthousiasme, lui a parlé d’une formation certifiante en relation d’aide par le Toucher-massage, cette idée lui trotte maintenant dans la tête … Laurence comprend que cette formation lui est nécessaire pour gagner en légitimité. Elle fait donc une demande de prise en charge à son établissement … elle n’attendra que 6 ans pour obtenir la possibilité de participer à ce cursus ! Lorsqu’elle reçoit l’accord de sa direction, elle est aux anges bien qu’un peu inquiète : elle va devoir se déplacer : aller à Paris, à Dijon, et puis faire des suivis de pratiques, un mémoire, tout cela l’effraie, sera-t-elle à la hauteur ? Et puis elle n’est pas vraiment à l’aise avec son corps, elle sait qu’elle devra aussi se faire masser, comment cela va-t-il se passer ? … Mais elle a tellement attendu ce moment, qu’elle ne peut pas renoncer à ce projet : « On verra bien, se dit-elle je tente l’aventure ! »
Cette formation portera très vite ses fruits, Laurence n’a pas fini le cursus, qu’elle se voit déjà allouer deus journées de prestations massage par semaine. Un jour pour le personnel et l’autre les patients. Elle fonctionne principalement à l’Hôpital de jour, auprès des personnes ayant des douleurs chroniques. C’est lors de ces prestations, qu’elle rencontre les médecins, les chirurgiens et même les anesthésistes de l’établissement, tous sont d’abord intrigués par sa présence, ils posent des questions, s’informent, quelques-uns d’entre eux acceptent de se prêter au jeu et de recevoir une séance de massage assis. Mais ce sont surtout les bienfaits des séances pratiquées auprès des patients qui parleront en sa faveur, notamment lorsqu’elle aide à la réfection d’un pansement très douloureux en service vasculaire, les patients réclament au chirurgien sa présence apaisante. Pour soutenir l’intérêt de sa démarche, Laurence n’hésite pas à encourager la rédaction de témoignages par écrit, elle sollicite de la même façon les médecins. Et lorsqu’elle rendra son mémoire en fin de formation, elle y joindra plusieurs de ces courriers dans lesquels les professionnels de santé témoignent de l’intérêt de ces prestations, ces soins massages leur semblent absolument nécessaires pour une prise en charge de qualité.
Laurence est certifiée en 2020, elle est aujourd’hui détachée des soins à temps complet.
Sa semaine de travail débute le mardi, ce jour-là elle se rend auprès de patients en soins palliatifs, ou hospitalisés pour syndrome douloureux. Ce sont des personnes alitées à qui les infirmières, en vue des difficultés rencontrées, proposent de recevoir une prestation Toucher-massage. Les RV sont alors pris et notés sur un planning, Laurence lorsqu’elle vient consulte le planning et se rend directement au chevet du patient. En fonction des attentes de chacun, elle proposera une séance adaptée. Sur le plan de soins, il existe le logo « Toucher-massage » qui lui permet de noter ses transmissions et de coter le soin.
Le mercredi est consacré à l’hôpital de jour, l’unité douleur où les pratiques non-médicamenteuses comme hypnose, le massage, l’auriculothérapie sont à disposition des patients. Laurence reçoit 4 patients le matin et 4 patients au cours de l’après-midi. Là aussi, un temps d’échange permet de définir la pratique la mieux adaptée. En fin de matinée, comme en fin d’après-midi, un débrieffing a lieu avec le médecin et l’équipe de soins, pour le suivi de chaque patient. Laurence apprécie ce moment, c’est l’occasion pour elle de partager les confidences reçues pendant le soin : l’état d’âme, les peurs ou appréhensions. Entre ses mains, les patients trouvent un espace de paix, un climat de confiance et une écoute qui leur permet de lâcher prise, de se confier, beaucoup pleurent avoue-t-elle. Un patient lui a dit un jour : « Seules vos mains m’enlèvent mes idées noires et m’apportent un apaisement, j’aimerais qu’on puisse les greffer sur ma tête ! ». Ce temps de transmission fourni donc au médecin des informations importantes sur l’état émotionnel du patient.
Le jeudi, Laurence est attendue en consultation plaies chroniques, c’est le domaine du vasculaire avec à la clé la réfection de pansements sur de vilaines plaies qui peinent à cicatriser. L’artérite est une pathologie extrêmement douloureuse, les plaies augmentent la douleur et la réfection des pansements ne peut se faire sans que le patient soit apaisé d’une façon ou d’une autre. Les mains de Laurence sont attendues, elles se posent délicatement sur une zone facilement accessible, souvent la tête, mais aussi les mains du patient quand elle les voit se crisper sous l’effet de la douleur, être prêtes à donner un coup. La présence rassurante de Laurence est une ressource pour l’infirmière, tout se passe alors beaucoup plus facilement.
Le vendredi Laurence masse le personnel, c’est une journée intensive, pas moins de 15 à 16 salariés sont massés.
Les semaines sont donc à la fois chargées, riches et très variées. Fort heureusement, Laurence bénéficie d’un WE de trois jours, ce qui lui permet de récupérer. Elle a bien conscience qu’elle doit prendre soin d’elle, ne pas aller au-delà de ses possibilités. Aussi une fois par semaine, avec deux autres collègues formées, elle a pris l’habitude de s’aménager un moment de répit, de recevoir un massage. Et puis régulièrement en dehors de son activité, elle se rend dans une association qui enseigne le shiatsu, elle se porte cobaye pour recevoir des séances des apprenants. La vigilance bien-être passe par soi.
Aujourd’hui, Laurence dit qu’elle se sent tellement bien dans ce qu’elle est et ce qu’elle fait … « Quand on fait quelque chose qu’on aime, c’est tellement bien, confie-t-elle, on se sent tellement mieux ! ». Et puis tous les retours des patients la portent véritablement. Il n’est pas rare qu’on lui demande s’il est possible de louer ses services à la journée, ou bien qu’elle forme au massage l’épouse ou la compagne !
Le chemin a été long, il lui a fallu être patiente, ne pas baisser les bras mais elle est maintenant récompensée, ses objectifs sont atteints. Tout d’abord, elle est vraiment fière d’avoir été jusqu’au bout de la formation, elle n’était pas tout à fait sûre d’avoir les compétences requises. Il lui a fallu aussi concilier sa vie de famille, les exigences de la formation et son travail. Du coup, elle s’est découvert des qualités insoupçonnées d’énergie et de persévérance avec le courage d’attendre et de ne rien lâcher. Et puis cette incroyable aventure massage, lui a permis d’aller au-delà de ses limites, de dépasser sa pudeur, son manque de confiance en elle. Elle a osé ! Elle a osé s’adresser aux médecins, leur expliquer le bienfondé de sa pratique, elle a osé aller vers les gens, être convaincante, elle n’aurait jamais imaginé devenir cette soignante-là !
La direction de son établissement, consciente de l’impact de la pratique Toucher-massage, lui a demandé de former d’autres soignants : aides-soignantes et infirmières. Par contre pas de budget prévu pour ça. Laurence, qui est quelqu’un de volontaire, a accepté après s’être inscrite et avoir été acceptée à la formation de formateurs dispensée par l’IFJS (la dernière qui ait eu lieu avec Joël Savatofski. Cette formation supplémentaire, elle l’a financée seule, mais c’était important pour elle de faire ce choix-là, pour bénéficier des outils d’animation promus par Joël, de se sentir légitime.
2024, aura été sa première expérience de formation avec un groupe de 11 personnes. Elle en est fière, comme elle est fière de l’ensemble du chemin parcouru.
Quand je lui demande quelle soignante elle est aujourd’hui, Laurence rit. Cette formation lui a permis de gagner en assurance, de se sentir droite dans ses bottes et bien dans ses baskets, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée ou familiale. Elle manquait de confiance en elle, se sentait incapable d’aller vers les gens. Aujourd’hui, tout lui semble si simple, elle se sent ouverte aux autres, sans appréhension pour aborder qui que ce soit. L’écoute, le rapport privilégié qu’elle établit avec les gens, lui ont appris à ne plus juger, à prendre du recul, à dédramatiser certaines situations. D’ailleurs, les patients lui disent qu’avec elle c’est tellement bien, ils peuvent tout dire, se confier, se libérer, ce qui génère un vrai confort psychologique.
Interrogée sur les conseils qu’elle aurait envie de partager avec les soignants souhaitant se former, sa réponse est simple : « Il faut ose, c’est le meilleur conseil ». Et une fois formé, il faut encore oser, pour partager son expérience et les bénéfices obtenus. Il faut encourager les courriers de patients, les retours positifs des collègues. Il faut faire le nécessaire pour « se mettre du monde dans la poche », pour être soutenu et pouvoir avancer. Et puis bien sûr ne pas oublier le côté financier : la cotation des prestations est possible en Hôpital de jour, en consultation et peut être dans d’autres unités de soins, les responsables d’établissements sont sensibles à ce discours.
Enfin si jamais ça ne marche pas dans votre établissement si vous sentez que c’est peine perdue et bien il faut avoir le courage d’aller voir ailleurs, ne pas laisser tomber l’idée, nombre d’établissements développent des pratiques complémentaires où vos compétences seront les bienvenues !
Lorsque nous terminons cet entretien, Laurence sort d’une journée de travail en soins palliatifs, elle me confie que juste avant de partir le patient qu’elle venait de masser, lui a dit : « C’est magique Laurence, je suis parti loin, tellement loin … je sais maintenant que je vais partir bien. »