Soiliance Production
Questions d'amour
Intervention de Eric Fiat au 6e Congrès de 2014 « Et si nous parlions d’amour ? »
Si l’amour dans le soin peut être évoqué avec beaucoup de pudeur, il est temps de considérer qu’il ne peut toutefois rester un sujet tabou.
Il est devenu rare aujourd’hui qu’on fonde le soin sur l’amour : le respect de la dignité d’autrui semble avoir supplanté l’amour du prochain, comme la solidarité a remplacé la charité et la référence à l’humanité la référence à Dieu. Mais la célèbre formule de Paracelse, « Toute médecine est amour », est-elle pour autant caduque ? Tel n’est pas mon sentiment. Mais l’amour a des formes : diverses, multiples, usant d’incarnations qui, parfois, le rendent méconnaissable.
Et les pratiques soignantes, elles aussi, sont multiples, impossibles à réduire à un schéma stéréotypé où l’amour aurait sa place assignée par un protocole. Car de même que le prisme réfracte la lumière qui le traverse et la décompose en une multitude de nuances, de même le soin des malades révèle les harmoniques de l’amour qui l’inspire. En particulier en fin de vie, où les relations interpersonnelles se concentrent et s’épurent, pour atteindre une intensité qui fait surgir les questions essentielles. D’où vient cet amour ? Quelle est sa génèse, quelles sont ses manifestations ? A quelles traditions philosophiques ou bien théologiques se réfère-t-il ? La psychanalyse peut-elle nous donner une interprétation supplémentaire ? Comment les soignants vivent-ils cet amour ? Je vais ici tenter d’apporter des réponses, totalement subjectives et non forcément consensuelles. Il s’agit d’ouvrir un débat qui a vocation d’être poursuivi au sein des équipes. Si l’amour dans le soin peut être évoqué avec beaucoup de pudeur, il est temps de considérer qu’il ne peut toutefois rester un sujet tabou. Il faut donc oser poser ici quelques « questions d’amour ».
Il convient donc de supporter l’idée de parler d’amour dans les soins que nous prodiguons à autrui. Supporter, dans le sens d’être capable de porter mais aussi dans le sens d’encourager et de promouvoir le fait que le soin lui-même soit fondé simplement sur une forme d’Amour. Alors, quand je m’approche d’autrui, que je le touche et que je le masse, je dois envisager les conséquences de ce toucher pour que l’amour dont est constitué mon intention soit reçu par le patient comme un bien en soi. Il nous appartient peut-être alors de nous réconcilier avec cette grâce qui permet à l’autre de nous reconnaître comme une bonne personne, un bon soignant.