Portrait de praticien

Stéphanie Angaman

Présentation

Stephanie Angaman

Stéphanie ANGAMAN, infirmière depuis 14 ans, est très sensibilisée à la prise en charge de la douleur de par son parcours professionnel au Centre Hospitalier de Compiègne (Oise) – en pneumologie, dont une partie dédiée aux soins palliatifs – puis depuis 10 ans au Centre Hospitalier de Noyon dont un premier temps en chirurgie générale. Elle obtient son D.U. Douleur en 2008 et découvre la consultation infirmière en douleur chronique, les approches non médicamenteuses : relaxation, hypno-analgésie, une évocation du Toucher-Massage. Depuis 2010, elle exerce en tant qu’infirmière ressource douleur à la CETD de Noyon (50% à la CETD, 30% en SSPI1 remplacé depuis 2 ans par 50 % en EMSP2 où elle a introduit la pratique du Toucher-massage dans les soins dispensés.

Pourquoi cet intérêt à l’égard du Toucher-massage ?

Lors d’une journée dédiée à la rencontre des IDE des Consultations Douleur de Picardie (rencontre annuelle) où chacun fait part de ses pratiques, j’ai été intéressée par la présentation du Toucher-massage et son importance donnée au sein de la CETD de Beauvais. J’étais déjà sensibilisée au massage dès mon enfance. Adolescente, je souffrais de lombalgies et de surpoids. Ma mère, aide-soignante, me massait lorsque je souffrais. Puis les massages dispensés par une kinésithérapeute m’ont procuré soulagement, attention, écoute. Je souhaitais alors être kinésithérapeute…et je suis devenue IDE (sans regret) ! J’ai pu développer cette pratique au sein de la CETD de Noyon après une formation de praticienne en relation d’aide par le Toucher-massage en 2012-2013 à l’IFJS3. La formation m’a donnée confiance en moi, m’a sécurisée pour pratiquer plus aisément. J’ai eu la chance d’être soutenue par ma hiérarchie, la Directrice des soins et l’Etablissement (financement intégral de la formation dans le cadre de la formation continue).

Pendant la formation, « je m’autorisais » à pratiquer dans les services lors de mes actions transversales. Une fois certifiée, j’ai évoqué avec le médecin de la consultation douleur la possibilité de pratiquer le Toucher-massage dans le cadre des soins proposés. Elle était partante. La première patiente ayant pu en bénéficier souffrait de fibromyalgie. Le retour satisfaisant a convaincu. La prise en charge se développe. Ma hiérarchie m’a toujours suivie, les médecins tant en soins palliatifs qu’à la CETD sont sensibilisés au Toucher-massage. Les kinésithérapeutes sont en accord, nous avons des échanges voire même des relais en Toucher-massage pour détendre les patients hospitalisés.

Comment t’organises-tu ? Comment pratiques-tu ?

En consultation externe, j’interviens sur prescription du médecin de la CETD qui a vu le patient en consultation. Les objectifs : détendre, apporter du bien-être, diminuer la douleur voire les traitements antalgiques. Les médecins orientent aussi les patients ayant des difficultés à parler d’eux-mêmes pour favoriser la verbalisation, leur permettre de lâcher-prise, sécurisés par un cadre propice à l’intimité. Des problématiques, des émotions refoulées, des souffrances peuvent se révéler au fil du suivi. Elles sont ensuite évoquées avec le médecin et la psychologue pour permettre d’adopter une prise en charge globale et adaptée. Les séances durent une heure, avec un premier temps en relation d’aide, évaluation de l’état global, du post-effet du soin précédent, puis vient le temps du massage. Je bénéfice d’une salle me permettant d’intégrer musique et diffusion d’huiles essentielles contribuant à rendre l’atmosphère calme et sécurisante. Le massage à l’huile d’amande douce est adapté aux besoins, aux souhaits des patients (souvent massage du dos ou demi-essentiel). Les personnes timides, pudiques sont rassurées, « apprivoisées » par un massage assis. Le troisième temps est réservé à l’évaluation post-soin. Actuellement, Je fixe un cadre de dix séances réévaluées à ce terme, prolongées, et réadaptées selon l’évolution de l’état de la personne.

Dans les services cliniques, j’interviens à la demande des équipes en accord avec le médecin responsable. Le massage peut être au service de l’anxiolyse, accordé un moment de détente qui ressource dans des périodes émotionnellement difficiles, par exemple en Unité de soins palliatifs. C’est aussi accorder des instants de bien-être, de repos après un soin fatiguant ou pendant un soin douloureux.

Quels bénéfices les patients expriment-ils ?

Une grande détente, un lâcher-prise. La possibilité de se poser dans un cadre non parasitant. Un exemple : chez des patients fibromyalgiques qui s’accordent peu de temps, qui sont toujours dans l’action, l’altruisme, mais en s’oubliant… Le sommeil est meilleur la nuit suivant le soin. Il y a un effet positif sur leurs douleurs allant de quelques minutes à quelques heures voire 24h à 48h. Pour l’instant, je n’ai pu constater de réelle influence sur la baisse des antalgiques de fond.
Il m’est aussi arrivé dans le cadre de l’accompagnement en soins palliatifs de faire un massage-minute à des membres de la famille pour apporter réconfort, détente dans des moments difficiles émotionnellement, la relation de confiance ensuite en est encore plus forte car une proximité inhabituelle pour eux leurs a été proposée dans un cadre hospitalier représentant bien souvent maladie, douleurs…

Que t’a apporté le Toucher-massage dans ta pratique ?

Quand un lien de confiance plus fort se crée avec les patients grâce à cette proximité, cela les amène parfois à se confier. C’est gratifiant personnellement mais surtout nous obtenons alors des données qui améliorent la suite de la prise en soins. Les échanges avec les autres soignants avec qui je n’avais pas forcément de contact auparavant, sont plus fluides, je leurs explique et les initie au massage. Le relationnel est facilité, il y a un lien à la fois plus personnel et professionnel. Et aussi une reconnaissance par l’Etablissement, la Direction, ma hiérarchie et les soignants dans les services en tant que praticienne en Toucher-massage, un renfort dans ma prise en charge de la douleur ou en soins palliatifs notamment pour dédramatiser un soin douloureux ou anxiogène.

Comment les soignants accueillent-ils le Toucher-massage ? Que dire à ceux qui sont tentés de développer cette compétence ?

Ils sont en demande d’explications, de moyens pour détendre les patients. Lorsque j’interviens dans leur service, je les incite à se faire confiance dans leur bienveillance, à être à l’écoute de leurs mains, à oser, cette pratique étant une richesse professionnelle et personnelle. Les soignants sont en grande demande, je suis là pour les conseiller, les informer sur mon parcours. Il y a de plus en plus d’ouverture à cette pratique. D’autant qu’ils peuvent constater les effets positifs sur les personnes douloureuses. La formation en Toucher-massage allant jusqu’à la certification est un grand temps d’introspection au niveau personnel, pour se découvrir soi-même, pour optimiser la prise en soins des personnes. Ce n’est que du bonus. L’IFJS est un endroit où j’ai pu me révéler, grandir, avancer en tant que personne et professionnelle. Une grande richesse de cette formation est aussi la bienveillance des formateurs, rassurante et mobilisante, exprimée tant dans le massage que dans la relation avec chacun. Je n’ai pas d’expérience négative dans ma pratique en Toucher-massage, au contraire elle enrichit ma relation aux autres : patients, soignants, familles.

Témoignage Du Docteur Philippe AUTRET, Responsable du CETD Compiègne-Noyon.

«Le Toucher-massage, comme son nom ne l’indique pas, est aux antipodes de la kinésithérapie. Si les techniques sont mécaniques en kinésithérapie, appliquées exclusivement par des kinésithérapeutes, dans l’objectif d’une amélioration fonctionnelle, pour le Toucher-massage l’objectif est dans le ressenti d’une sensation de bien être, qui passe par le contact entre les mains du soignant et le corps du patient. Cette sensation de bien-être est à l’origine d’une « réconciliation » entre le patient et son corps douloureux, réconciliation qui a pour effet de faciliter l’acceptation des traitements proposés, et d’en optimiser les effets bénéfiques, et donc de favoriser la progression du patient dans son parcours thérapeutiques. Les techniques du Toucher-massage ne sont pas réservées à ,une catégorie particulière de soignants, elles font appel à l’empathie, à la capacité d’établir un lien de confiance avec le patient, et participent ainsi à l’établissement d’une relation humaine, indispensable complément de l’aspect technique dans la prise en charge».

Témoignage d’une patiente de la Consultation douleur de Noyon.

«Je souffre depuis plus de 3 ans maintenant de douleurs intenses à la tête, aux mâchoires et aux cervicales. Ces douleurs sont omniprésentes, sans interruption et m’épuisent énormément autant physiquement que moralement. Elles sont lancinantes, diffuses. Je les qualifie même de « sournoises ». Je n’ai plus d’activités personnelles ou professionnelles (je suis en congé longue maladie) mais le plus dur c’est de ne pas pouvoir consacrer plus de temps à mes enfants. Les traitements médicamenteux n’ont pas soulagé mes douleurs. On m’a conseillé alors de me tourner vers des médecines alternatives (acupuncture, relaxation, ostéopathie, hypnose…) mais il n’y a pas eu d’amélioration. Heureusement, je suis prise en charge par la Consultation Douleur au Centre Hospitalier de Noyon. On ne se sent pas abandonné face à la douleur. Les séances de toucher massage réalisées par Mme Angaman sont les moments que j’attends avec impatience. Elles commencent toujours par un temps d’écoute et d’échange. Le massage me procure beaucoup de bien. Cela permet également d’atténuer les tensions musculaires. C’est un moment de détente, de bien-être, de laisser-aller. Je peux souffler, avoir du répit vis-à-vis de la douleur (ce qui est très rare au quotidien). Je me sens plus apaisée. C’est donc très bénéfique !»