Les troubles à spectre autistique et le toucher

Lors de chaque congrès, nous essayons de vous présenter les différentes facettes de la pratique du Toucher-massage®, tant dans les objectifs (bien-être, accompagnement, communication, outil de médiation...), qu’au niveau des différents publics, dans leur capacité physique ou cognitive, dans leur clinique, ou histoire de vie. Cette année, nous faisons le choix de parler des personnes ayant des troubles du spectre autistique (TSA), et pour cela nous invitons Isabelle Fourré de Chaunac, qui intervient à l’IFJS depuis plus de quatre années sur cette thématique ; Clémence Tschirret, qui a animé pendant trois années des ateliers avec des enfants en IME, et Sabine Sprich-Gallera, dont l’expérience auprès de Baptiste a fait l’objet d’un article de presse.

« Massemblage »

Mais, laissez-moi tout d’abord vous présenter Isabelle Fourré de Chaunac, que j’ai rencontrée alors qu’elle était en quête d’interlocuteurs souhaitant s’intéresser à sa longue pratique auprès de ce public singulier.
Voici en quelques mots ce qu’elle nous dit de son parcours et de ce qui l’a conduite à créer le concept qu’elle nomme aujourd’hui « Massemblage ».

« Quand il est nécessaire de faire des toilettes, de nourrir, quand il faut pratiquer des soins, comment approcher des personnes qui ne veulent pas être touchées ? Quand le ressenti est biaisé par le handicap ou le traumatisme, quand le contact semble n’être que douleur ?
Certaines personnes ayant des TSA ou des personnes ayant subi des agressions vous mettent face à cette difficulté.
Pour les personnes avec TSA le défi peut être majoré par l’absence de langage verbal et des interactions sociales mises à mal par le handicap. Comment toucher à la bonne distance, sans être intrusif, en étant respectueuse du ressenti corporel de l’autre ?
Quelle communication établir ?
Quel ressentis acceptable procurer ?
De ces interrogations conjuguées à mes pratiques personnelles en yoga pilate, gym hollistique, mes formations d’art thérapeute, de praticienne en IMO-EMI (Intégration par les Mouvements Oculaires avec l’approche des neurosciences), en massage assis (massage Amma et MAM) et ma profession d’infirmière auprès des personnes ayant des spécificités sensorielles (TSA), suivies en hospitalisation de jour ou en structure (IME), est née une approche, que j’ai voulu très structurée, voire protocolisée, non intrusive et respectueuse des ressentis individuels.
J’ai conçu un massage qui ressort plus du sensoriel que directement du bien-être, bien que celui-ci en découle. Il est fait pour renseigner la personne sur elle-même, en un minimum de temps. Il se veut rassurant, permettant de ré-apprivoiser ou découvrir son corps sereinement. Il est respectueux des ressentis de la personne et peut s’arrêter à tout moment pour être recommencé lors d’une prochaine séance. Au départ je l’appelais le « toucher structuré ». Mais il lui fallait un nom spécifique qui réponde à des critères et un protocole précis que j’enseignais entre autres avec l’IFJS, depuis déjà 4 ans. Le terme Massemblage fut pour moi une évidence puisqu’il s’agit d’un massage dont la vocation est de donner au receveur des sensations (non douloureuses) d’un corps dans son ensemble, un corps assemblé par une approche tactile, même si elle est indirecte (utilisation d’un ballon).
Le premier objectif est de proposer une sensation corporelle acceptable, confortable et prévisible. Un des autres objectifs étant que les personnes à terme, acceptent le contact direct de la main, en particulier pour les soins. C’est une action à mener en amont des autres, de façon régulière avec des observations permettant de proposer le plus adapté à la personne possible avant d’en mesurer les effets sur la toilette, dans les soins ou ailleurs.
En déjà 4 ans, plus de 70 stagiaires ont été formées et plusieurs l’utilisent régulièrement dans leurs pratiques. Comme c’est une approche qui ne demande pas de compétences particulières de masseur, sa formation est ouverte directement au public éducatif et soignant, et j’espère un jour la proposer aux parents et familles qui le souhaitent.
Une enquête sur l’impact de Massemblage auprès des publics avec TSA est en cours.
Depuis janvier 2019 le nom est déposé à l’INPI. J’ai également soumis un abstract pour proposer un poster au congrès européen de l’autisme à Nice en septembre 2019. Jacqueline avec Soiliance me fait l’honneur de soutenir cette démarche. 
Je serai heureuse de vous en dire davantage lors de ce prochain congrès, de vous rencontrer et d’échanger avec vous. Je fais partie de Soiliance, et par ce biais aussi vous pouvez me joindre. Alors, à bientôt j’espère ! »

Lors de notre prochain congrès, nous communiquerons autour des pratiques utilisées chez l’enfant atteint de troubles à spectre autistique (TSA). Isabelle Fourré de Chaunac nous présentera le Toucher structuré, technique qu’elle a créé et déposée INPI, qui consiste à apporter détente et relaxation à ces enfants ou adultes ayant cette  singularité dans leur façon d’être et de communiquer.

Clémence Tschirret viendra quant à elle, nous parler de son expérience d’accompagnement par le toucher auprès d’enfants autistes en IME, qu’elle a suivi pendant 3 années.
Clémence n’est pas soignante, mais étant maman et praticienne de massage bien-être, elle s’est laissée tenter par cette aventure, voici ce qu’elle nous en dit :

« Cette expérience a été plus qu’enrichissante, j’ai découvert une autre manière de «faire», j’ai dû faire preuve d’adaptation. Rien n’était facile au début, rien d’inné, j’ai été à l’écoute, je me suis documentée, j’ai fait appel à mon intuition, j’ai dû aussi lâcher-prise d’une certaine façon pour que la pratique se mette en place presque naturellement.
Le bénéfice sur les enfants ne s’est pas vu tout de suite. Au fil du temps, je retrouvais des enfants plus apaisés, qui réussissaient à se calmer pendant les séances, et qui restaient calme dans les heures qui suivaient la séance. Au dire des éducateurs ces enfants appréhendaient mieux les soins médicaux, la toilette, et gagnaient en fluidité dans leurs mouvements.
Le personnel de l’IME où se passaient ces ateliers individuels, étaient heureux de voir que les enfants y allaient avec plaisir. Les membres de l’équipe pédagogique me disaient sentir la différence lors des activités collectives (ils réclament une grande attention, plus facile en individuel). Ils ont été déçus d’apprendre l’arrêt des séances.
Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir des retours des familles, excepté la «maman d’accueil» d’une pensionnaire, qui m’a informée que la jeune fille en question réclamait beaucoup plus de câlins et de papouilles qu’avant !

Cette expérience a été l’occasion pour moi de comprendre que ces enfants que l’on imagine distants et craintifs, ont en réalité un grand besoin d’attention. Ils peuvent se montrer très doux et sensibles. Il est possible de communiquer par d’autres moyens que la parole : l’utilisation de la posture, des gestes, du regard ( certains soutiennent le regard, contrairement à ce que l’on pourrait croire), l’utilisation du toucher bien sûr, tous ces «outils de communication» nous ont permis, petit à petit, d’établir une relation de confiance. J’ai été très émue de comprendre qu’au final ces enfants aimaient venir en séance de massage.

J’ai réellement découvert l’autisme au contact de ces enfants et des éducateurs. Pas de caricature à la «Rain man», juste des pré-ados presque comme tout le monde, avec les mêmes besoins, les mêmes envies, mais une appréhension différente du monde qui nous entoure : les bruits qui dérangent, les images , le vocabulaire qu’ils ont du mal à comprendre.
Au final, je me suis aperçue que d’une certaine façon, pour eux ce sont nous qui vivons «bizarrement» !

De retour à la maison, je partageais avec mes enfants les anecdotes et l’évolution de ma pratique à l’IME. Et puis, j’ai emmené mes filles à un après-midi festif organisé par l’Acodège. Elles y ont rencontré certains de mes «loulous»; pas de peurs ni d’appréhension, juste des bons moments de rigolade avec certains !!

Je n’interviens hélas plus auprès de ces enfants, Il me reste que dans ma façon d’être maman, je suis plus tolérante avec mes enfants, et je mesure ma chance qu’ils ne soient pas dans de telles difficultés, mais dans une posture plus «normative».  Cela m’a aidée à comprendre qu’ils n’ont pas besoin de superflu pour être bien… et je me pose moins de questions sur leur capacité et leur avenir… »